Rectoversion et Physique Quantique
par Michel De Caso

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Triades rectoversées et luspaciennes

 

En étudiant ces tableaux de correspondances, on comprend que les correspondances les plus révolutionnaires sont celles qui apparaissent dans le tableau n°5 Tiers Inclus / Peinture Triface. En outre, si l'on applique à la triade rectoversée les indices de Lupasco, il est aisé de faire les associations suivantes :
- face vue = recto virtuel = A (actualisation)
- face non vue = verso virtuel = P (potentialisation)
- percée ("issue") = troisième face = T (tiers inclus)

Ceci est d'autant plus étonnant qu'en 1992, alors que je n'avais aucune connaissance des recherches de Lupasco et de Nicolescu, j'avais écrit au sujet du tableau " le monochrome rectoversé ", considéré comme le prototype de la Rectoversion :
« ...Dans une peinture rectoversée, l'opération de soudure (parabiose) réalisée entre le recto et le verso met ces deux éléments en vibration. La combinaison qui en résulte (symbiose) s'enrichie de l'apport par soustraction d'un troisième élément, l'issue. La triade ainsi obtenue est indissolublement liée à l'autre et sur chacune d'entre elles, les trois composants sont également indissociables. Les deux triades forment alors un continuum plastique dans la plus stricte bidimensionnalité...(...)...En proposant une composition tri-unitaire, la Rectoversion garde du recto le côté "rationnel". Elle retient également du verso son côté "irrationnel". "L'issue" ou la percée introduit quant à elle le "sans-forme" ou "sans-pensée". La combinaison de ces trois composants les lie sans que le premier, le second ou le troisième ne prenne la primauté sur les deux autres...(...)...En fait, la relation tripolaire de la Rectoversion s'organise selon un modèle circulaire, c'est-à-dire sans commencement ni fin....»
(intervention à l'UFR Arts Plastiques Université Paris 1, 1992, Directeurs de maîtrise, MM Richard Conte et Daniel Cohen)
.
Le schéma de composition que j'avais établi était le suivant : (tab.6)


tab.6
Les triades rectoversées

 

Ce schéma correspond étrangement à ce que propose Stéphane Lupasco puisque si l'on reprend ce que nous en dit Basarab Nicolescu,
«…Le fameux état T ("T" du "Tiers inclus") fait son apparition à la page 10 du Principe d'antagonisme. Il est défini comme un état "ni actuel ni potentiel". Le mot "état" fait référence aux trois principes lupasciens - l'actualisation A, la potentialisation P et le tiers inclus T - sous-jacents au "principe d'antagonisme". Sur le plan formel, e et non-e ont ainsi trois indices : A, P, et T, ce qui permet à Lupasco de définir ses "conjonctions contradictionnelles" ou quantas logiques, faisant intervenir six termes logiques indexés : l'actualisation de e est associée à la potentialisation de non-e, l'actualisation de non-e est associée à la potentialisation de e et le tiers inclus de e est, en même temps, le tiers inclus de non-e. Cette dernière conjonction montre la situation particulière du tiers inclus…»
(déjà cité, voir "la page rectoversée" n°19)
on peut alors construire le schéma équivalent suivant : (tab. 7)

 


tab. 7
Le Tiers Inclus luspacien


Une étonnante constatation, non? A première vue sans doute mais finalement, ce n'est peut-être pas si étonnant car que des recherches différentes puissent se rencontrer par affinités cachées, c'est un phénomène connu et prouvé.

 

Epilogue

J'avoue que j'ai été surpris car, à bien des égards, Stéphane Lupasco et Basarab Nicolescu tiennent des propos particulièrement convergents avec la Rectoversion. Je me doutais depuis longtemps qu'en d'autres lieux et disciplines, des chercheurs rejoindraient mes préoccupations. Je pensais que ceux-ci seraient en priorité chez les artistes plasticiens mais cela n'a pas été évident. Il y a bien des artistes plasticiens qui sont interpellés par la Rectoversion mais pour des raisons qui leur appartiennent, la plupart ont tenu à rester sur une approche strictement dualiste ce qui n'a pas été mon cas depuis le début, c'est-à-dire depuis 1991, où j'insistai sur le caractère irréductiblement ternaire de la Rectoversion.

Cette analogie inattendue avec la pensée de Stéphane Lupasco et de Basarab Nicolescu propose une nouvelle lecture de la Rectoversion. Cette nouvelle lecture, à la fois d'origine scientifique et philosophique, s'ajoute à toutes les lectures possibles de la Rectoversion (et elles déjà sont nombreuses). La spécificité de celle-ci, c'est qu'elle appartient au monde rationnel de la recherche scientifique et philosophique.

A la lumière de ces deux chercheurs, la Rectoversion peut être comprise comme une conception et une construction opérant selon le Principe du Tiers Inclus (explicite) de Lupasco et selon la notion de "niveaux de Réalité" de Nicolescu. Cette approche est l'exemple vivant de la nécessité et de la richesse de la Transdisciplinarité car, sans celle-ci, je n'aurais pas connu la pensée de ces deux chercheurs.

Dans le passage qui suit, qui sera le dernier extrait des propos de Basarab Nicolescu, ceux qui connaissent déjà la Rectoversion seront probablement édifiés de constater combien les analogies entre ses propos et la pensée rectoversée sont précises. Je vous laisse juge!

«...Dans la vision transdisciplinaire, la pluralité complexe et l'unité ouverte sont deux facettes d'une seule et même Réalité. Un nouveau Principe de Relativité émerge de la coexistence entre la pluralité complexe et l'unité ouverte : aucun niveau de Réalité ne constitue un lieu privilégié d'où l'on puisse comprendre tous les autres niveaux de Réalité. Un niveau de Réalité est ce qu'il est parce que tous les autres niveaux existent à la fois. Ce Principe de Relativité est fondateur d'un nouveau regard sur la religion, la politique, l'art, l'éducation, la vie sociale. Et lorsque notre regard change, le monde change. Dans la vision transdisciplinaire, la Réalité n'est pas seulement multidimensionnelle - elle est aussi multiréférentielle...»
(
Basarab Nicolescu, "Stéphane Lupasco, l'homme et l'œuvre", Edition du Rocher, 1999, p.137)

« Le rôle du tiers explicitement ou secrètement inclus dans le nouveau modèle transdisciplinaire de réalité n'est pas, après tout, si surprenant. Les mots trois et trans ont la même racine étymologique : le "trois" signifie " la transgression du deux, ce qui va au-delà de deux.
La transdisciplinarité est la transgression de la dualité opposant les couples binaires : sujet/objet, subjectivité/objectivité, matière/conscience, nature/divin, simplicité/complexité, réductionnisme/holisme, diversité/ unité.
Cette dualité est transgressée par l'unité ouverte englobant et l'Univers et l'être humain....Dans l'unité il y a, comme il se doit, trois tiers. Le troisième tiers - le tiers secrètement inclus - est le garde-fou contre toute dérive néoscientiste ou totalitaire et contre toute tentation d'une dictature par l'économique, quels que soient les habits rassurants que de telles dérives ou dictatures vont emprunter pour réussir. Le tiers secrètement inclus est le gardien de notre mystère irréductible, seul fondement possible de la tolérance et de la dignité humaine. Sans ce tiers, tout est cendre. »
(Ibidem, p.140)

Pour conclure (provisoirement) sur ce rapprochement et même si je ne le connais pas personnellement, je tiens à remercier Basarab Nicolescu pour tout ce qu'il m'a permis d'entrevoir. Je remercie également tous les chercheurs qui travaillent autour de cette fameuse Transdisciplinarité (dont bien sûr Edgar Morin) qui me paraît plus que jamais être une véritable nécessité en même temps qu'une bouée d'oxygène pour la réforme de la Pensée qui est en cours.

© Michel De Caso 2003-06

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