Le Métadualisme dans la Rectoversion
par
Alexandre L'Hôpital-Navarre

Sommaire

1. Dualité et dualisme
2. Métadualisme
3. La méthode métadualiste
4. Le Métadualisme dans la Rectoversion

Le groupe affilié au mouvement de la peinture rectoversée (rectoversion) se propose, pour encadrer et nourrir les débats que cette forme originale d’expression artistique suscite, d’employer le néologisme « métadualisme » comme support de réflexion. Il incombe d’abord, pour éviter toute confusion, de définir ce que l’on peut entendre par « dualisme », « dualité », « méta », et enfin de mettre ces définitions en relation avec la peinture rectoversée elle-même.

 

 1. Dualité et dualisme

« Dualité » désigne l’état ou le caractère de ce « qui est double en soi », de ce qui « comporte la coexistence de deux éléments de nature et de fonction différente ».

« Dualisme » désigne quant à lui « une doctrine qui admet dans l’univers deux principes premiers essentiellement incompatibles et irréductibles ».

La dualité est un constat. Le dualisme est une interprétation de ce constat.

Quel est l’intérêt de ces notions ? La connaissance de soi, de l’Homme et du monde. Pour qu’une chose soit connaissable, compréhensible, il faut nécessairement la confrontation de deux termes. Pour me connaître, il me faut un autre, un support de réflexion, une re-présentation, un miroir. Voilà pourquoi la dualité est fondamentale à l’Homme et au monde. Elle constitue le support universel de toute manifestation, de toute connaissance.

L’enjeu n’est donc pas la définition figée des termes de chaque dualité, mais l’interaction, le lien, la relation, l’entre-deux ou le troisième terme qui les animent, qui les unissent ou les désunissent.

Or, on constate justement dans le « dualisme » cette attitude, ce point de vue qui affirme la perte effective de ce lien, de cet entre-deux. En considérant comme « incompatibles » et « irréductibles » les deux termes d’une dualité, le dualisme agit sur le mode de la séparation et de la confusion, dans un balancement perpétuel et insolvable entre attraction et répulsion. Il ne s’en sort jamais. Le dualisme nie la dualité en la rendant absolue, totalitaire, là où elle n’est que relative et nécessaire à la connaissance de soi.

 

2. Métadualisme

Le métadualisme ne propose pas une opposition catégorique au dualisme, ce qui constituerait une nouvelle forme de dualisme. Il n’est pas « contre-dualiste », « anti-dualiste ». Nous sommes tous des dualistes en puissance, car nous sommes tous habités par des dualités structurelles, et donc par une dérive d’interprétation dualiste.

Pour neutraliser cette dérive d’interprétation, il importe en premier lieu de l’accueillir, de l’apprivoiser, condition sine qua non à sa résolution et son dépassement.

C’est pourquoi l’on parle plus justement de « métadualisme » pour entendre « au-delà » du dualisme. « Méta » est un préfixe qui a la double acception « d’englober » et de « dépasser ». On ne peut véritablement englober sans dépasser, et dépasser sans englober.

Or, si « méta » est un préfixe, c’est parce qu’il est inséparable d’un suffixe, quel qu’il soit. « Méta » n’est pas le signe d’un ailleurs, d’un en-dehors, d’un supérieur séparé et inaccessible : mais d’un point de vue qui part toujours de quelque chose pour y revenir sans cesse, pour le réinterroger, pour le réalimenter, pour le revitaliser dans un tout dynamique et unitaire.

En englobant, en embrassant toutes les contradictions apparentes, le point de vue métadualiste envisage ces contradictions non plus comme irréductibles, mais comme complémentaires, c'est-à-dire reliées intrinsèquement par un principe commun qui faisait d’elles les deux faces, les deux aspects inséparables d’une même réalité.

Au demeurant, si l’on admet l’aspect universellement dual de notre conditionnement existentiel, tout domaine d’action ou de pensée peut participer a priori et à fortiori de cette démarche métadualiste. Il suffira pour cela d’y « embrasser les contradictions » dans une vision holistique et dynamique qui ne laisse de place ni au séparatisme, ni à la confusion.


3. La méthode métadualiste

Nous venons de le voir, la méthode métadualiste consiste à « embrasser les contradictions ». Sur quelque support de réflexion ou d’expression que l’on puisse adopter, on y pose, on y dépose tous les aspects duaux de ce que l’on veut présenter, représenter : le pour et le contre, le oui et le non, le soi et le non-soi… etc…

Cette démarche suppose en amont qu’on utilise une forme de réflexion ou d’expression qui puisse avoir les capacités de contenir en soi cette représentation duale. Elle implique une vision, une structure de pensée et d’expression holistique : qui inclut la dualité dans un tout.

De plus, cette démarche s’accompagne en aval d’une sollicitation de l’homme qui l’investit et qui y réagit. C’est cet Homme qui va réinterroger, réinterpréter, en fonction de son point de vue, de sa sensibilité, le sens et le lien que cette mise à jour de la dualité laisse en suspend dans une réflexion ou une œuvre artistique. Elle implique donc en même temps une attitude dynamique, ouverte et stimulante pour la connaissance de soi. Il s’agit d’une transformation : d’un passage à travers une forme d’expression donnée, passage qui ne nous conduit pas vers un ailleurs, mais dans une réactualisation permanente et revitalisante de cette forme duale donnée et de l’Homme qui l’interprète.

Cette double caractéristique d’un « tout dynamique » est une autre formulation « d’englober » et de « dépasser ».

Ici, maintenant, sur tel ou tel support, on dépose, on met à jour, on met à plat les forces duales de quelque chose que l’on veut exprimer, représenter… Que va-t-il se passer ?

 

4. Le Métadualisme dans la Rectoversion

C’est parce que la peinture rectoversée en contient toutes les caractéristiques que l’on peut assurément la qualifier de « métadualiste ».

- Premièrement, elle met à jour, elle expose, elle révèle la face cachée, ou le verso virtuel d’une surface plane : mise en forme de la dualité.

- Deuxièmement, elle traite ou envisage ces deux faces en correspondance directe, en interaction sémantique : démarche holistique.

- Troisièmement, elle met de plus en rapport dual la peinture en tant que telle, en tant qu’essence, et son contraire, c'est-à-dire la non-représentation, la non-forme, le vide, représentés ici par la ou les percée du tableau. Nous sommes en présence d’un autre rapport dual : la dualité métaphysique. De la dualité physique des deux faces peintes s’adjoint la dualité métaphysique peinture/non-peinture révélée par la Percée. La dualité y est donc traitée de façon intégrale, à la fois en immanence et en transcendance.

- Quatrièmement, et en amont, elle donne libre court à toute forme d’expression picturale. Chaque peintre qui adopterait les directives de ce « support-concept » peut y peindre en toute liberté, selon son style et sa sensibilité.

- Cinquièmement, et en aval, c’est « le regardeur qui fait le recto », en raison de ce qu’il appartient à lui seul de définir et redéfinir les liens et les sens suggérés par la mise en forme intrinsèque des rapports duaux représentés. Ces quatrième et cinquième points signent la marque de la fonction fondamentalement dynamique de la peinture rectoversée.

 

© Alexandre L'Hôpital-Navarre , novembre 2006