Comment continuer de peindre mais d'une façon nouvelle?
Comment peindre à l'époque des images numériques
et après l'incroyable diversités des différentes
expressions artistiques du XX° siècle? Comment assumer
la désobéissance dans le lien? Les réponses
à ces questions sont sans doute indéfinies. La Rectoversion
qui fut un tâtonnement et non un acte intellectuel délibéré
est une des réponses possibles. Avant d'être un concept,
elle est d'abord une façon concrète de concevoir,
préparer et peindre un support.
Par ces prolongements théoriques, la Rectoversion fait ainsi
partie de ces propositions picturales qui relancent la possibilité
de peindre en annoncant une nouvelle vision révélatrice,
en fait, d'une mutation plus générale de la pensée
et des cultures. Son processus de renouvellement pictural confirme
la persistance de la peinture. Il rejoint à ce titre celui
qu'avait suscité d'autres mouvements artistiques antérieurs.
On pense d'abord au Cubisme et au Surréalisme. Lorsque Pablo
Picasso fait imploser en petites facettes l'effigie du fameux marchand
des cubistes dans son tableau de 1910 "Le portrait de Kahnweiler",
il propose une nouvelle vision où les objets sont représentés
sous différents angles de vue. Il en est de même pour
les autres peintres cubistes analytiques comme Georges Braque ou
Juan Gris. Le fait qu'ils aient pu élargir leur technique
picturale en collant sur leurs toiles d'autres matériaux
que des pigments traditionnels n'empêche en rien que leur
proposition picturale appartienne au domaine de la peinture. Ils
ont ouvert le langage pictural à d'autres matériaux
et à d'autres points de vue, l'expression "points de
vue" pouvant être entendue au sens propre comme au sens
figuré.
Le Surréalisme a connu le même processus. Même
si les tableaux de Salvador Dalí ou d'Yves Tanguy ne sont
constitués que de matériaux picturaux traditionnels,
ils représentent des visions oniriques nouvelles qui correspondent
aussi à une mutation en ce qui concerne l'approche de l'inconscient.
Le Surréalisme correspond à une façon de voir
quand ce n'est pas à une façon d'être.
En d'autres termes, un peintre peut réaliser un tableau
cubiste ou surréaliste sans renier la tradition picturale.
Rupture et continuité sont alors conciliables. Il en est
de même pour la Rectoversion qui invite le peintre à
réaliser un tableau sur ses deux faces au préalablement
percées. C'est cette résolution qui change tout. Les
cubistes et les surréalistes ont certes renouvelé
le langage pictural mais ils n'ont pas eu la nécessité
de peindre le verso de leurs toiles, encore moins de les percer
de part en part. On pourrait dire la même chose de la peinture
expressionniste ou de tout autre mouvement pictural moins important
puisqu'à ce jour, le questionnement du recto et du verso
et leur dépassement n'a jamais été aussi abouti
que dans la proposition rectoversée.
C'est pourquoi la Rectoversion, comme le Cubisme ou le Surréalisme
ne prétend pas à la fin de la peinture. C'est même
le contraire puisqu'elle réconcilie aussi la rupture à
la tradition. A l'extrême, vous pouvez même réaliser
une peinture rectoversée dans la plus pure tradition picturale
avec, par exemple, une stricte bidimensionnalité. C'est le
fait qu'elle soit rectoversée qui lui amènera son
statut inédit et contemporain.
Cette ambiguïté fait que les adeptes de la mort de
la peinture considèrent la Rectoversion comme obsolète
puisqu'il s'agit encore de peinture, tandis que les promoteurs de
la peinture nostalgique se détournent d'elle car elle leur
apparaît trop conceptuelle et trop éloignée
de la sacro-sainte peinture monoface.
J'ai abordé cette question de la persistance de la peinture
dans le livre "Rectoversion, l'issue". Le paragraphe en
question se nomme "l'irrationnel en peinture" et avait
été écrit en 1998. En voici un extrait :
L'irrationnel en peinture
(1)
« La peinture contemporaine est le plus
souvent une apologie de la pensée rationnelle. Le public
ne peut saisir son évolution que par son étude raisonnée.
Pour apprécier l'art contemporain, le raisonnement mental
est nécessaire et la maîtrise de données théoriques
est indispensable. C'est en ce sens que l'approche discursive s'est
substituée à l'approche intuitive. L'intellect joue
désormais le rôle fondamental et une uvre contemporaine
orthodoxe doit d'abord être comprise avant d'être éventuellement
ressentie.
Pour l'heure, bien que notre peinture puisse apparaître comme
hérétique, nous ne rejetons pas le dogme rationaliste
en vigueur et l'avons assimilé en son temps. Ce que nous
déplorons, c'est que l'art contemporain refuse délibérément
toute approche irrationnelle. Or, contrairement à l'opinion
répandue, la peinture n'est pas toujours accessible à
la raison. Son caractère irrationnel nous paraît même
essentiel. Les peintres ne sont-ils pas les mages de l'image? Nous
n'hésitons pas à appliquer à la peinture le
terme magique pris dans sons sens courant, non connoté d'occultisme
de bas étage et de pratiques peu recommandables. L'aspect
irrationnel de la peinture auquel nous faisons allusion concerne
la peinture en tant que telle qui est, comme la musique avec le
rythme et la mélodie, un langage proprement universel spécifique
à l'espèce humaine....(...)...
Lorsqu'on la croit morte, la peinture se retourne toujours dans
sa tombe pour renaître sous une forme nouvelle. Combien de
fois a-t-on entendu qu'elle était morte ? Le grand critique
d'art Elie Faure écrivait en 1921 : " Il y a encore,
il y aura encore des peintres, beaucoup de peintres, mais la peinture,
c'est fini."
La peinture a d'abord survécu à l'invention de la
photographie. Loin de disparaître, elle a au contraire développé
sa spécificité en acquérant son autonomie.
Les peintres surent créer une nouvelle façon de peindre
et commencèrent à relativiser l'inféodation
de la peinture au réel et au visible. Désormais, le
peintre n'était plus le seul à pouvoir saisir l'instant.
Le photographe avec son appareil pouvait aussi le fixer et offrir
au regard une mémoire imagée au rendu impeccable.
Le cinématographe aurait pu aussi anéantir la peinture,
avec ses photographies qui se meuvent et sont douées de paroles!
En fait, le développement du septième art a permis
aux peintres de pousser plus loin leurs investigations picturales
avec tous les excès dont ils sont capables. Le même
processus d'assimilation puis de retournement de situation que la
peinture a effectué face aux arts photographique et cinématographique,
s'est reproduit avec les images informatiques...(...)...
On aurait tort de croire que les images numériques seront
fatales à la peinture. D'ores et déjà, par
la mise à jour de la Rectoversion, opération plastique
applicable sur le support le plus minimal et le plus neutre qui
soit, la feuille de papier, nous démontrons qu'il en est
rien. Il nous a semblé, en effet, dans un mouvement à
la fois raisonné et intuitif, que l'aventure picturale pouvait
continuer en allant voir de l'autre côté du tableau.
Mais c'est en passant au travers du tableau que nous avons eu la
révélation que la rectoversion était l'une
de ces ouvertures insaisissables qui font que, tant que l'expression
artistique sera présente en l'homme, la peinture persistera.
» (1)
(1) extrait de "Rectoversion, l'issue", p.333-336,
Ed. ADAP, 2001.
Par ailleurs, un colloque vient d'avoir lieu sur ce thème
en Languedoc-Roussillon. Je vous propose le compte rendu paru dans
le journal Horizons-Sud de janvier 2003. A sa lecture, vous serez
à même de vous faire votre opinion.
MDC
*
Colloque
La peinture dans l'art contemporain
A l'invitation du Comité
Régional de la Culture,
sociologues et artistes ont débattu
au Château de Castries (3)
« Quelle est la place de la peinture dans l'art contemporain
? Critiques, sociologues, artistes, se sont efforcés de répondre
à cette ( vaste) question dans le cadre du colloque organisé
au Château de Castries par le Comité Régional
de la Culture.
Cette rencontre se situait dans la continuité du travail
engagé par le CRC depuis deux ans autour de l'art contemporain
en Languedoc-Roussillon, avec notamment la campagne de communication
du Bel Eté et divers séminaires de réflexion.
Quelque peu bousculée, parfois marginalisée, fortement
concurrencée en tout cas par les autres modes d'expression
de l'art contemporain (vidéo, photographie, installation,
etc...° la peinture a effectué ces dernières années
un retour en force dans un paysage désormais mondialisé.
Exception française
A vrai dire, la question s'avère essentiellement franco-française,
et comme l'a observé Philippe Dagen, historien d'art et critique
au journal Le Monde. "Un tel colloque n'aurait probablement
pas de raison d'être ailleurs qu'en France". Ce qui voudrait
dire que seul notre pays entretient des doutes sur la validité
de la peinture. Il est vrai que les choses ont changé ces
derniers temps et que, outre deux importantes expositions qui lui
ont été dédiées en 2002, Urgenbt painting
et Cher Peintre, on assiste à un retour en faveur de la peinture
comme on pouvait le constater à la FIAC.
La question serait plutôt ; ne serait-il pas grand temps?
Les constatations d'Alain Quemin tendraient à le laisser
penser. Le travail effectué par ce sociologue sur une commande
du ministère des Affaires Etrangères a jeté
quelque trouble dans le Landernau offciel, notamment du côté
du Ministère de la Culture. Il y démontre, en effet,
chiffres à l'appui, la perte d'influence de l'art français
sur tous les terrains internationaux. Qu'il s'agisse des musées
ou centres d'art, des galeries ou des ventes : la place des artistes
français, à quelques rares exceptions près,
s'avère de plus en plus marginale. Et Alain Quemin de lancer
cette accusation : "C'est le côté le plus idéologique
de l'art qui est le plus soutenu à l'étranger. Il
y a une grande résistance des institutions vis-à-vis
de la peinture."
Face à l'idéologie officielle
Qui voudrait donc la mort de la peinture?
Dagen, lui, mettait en évidence les anachrominsmes propres
à ces institutions. "Aujourd'hui, on est en face d'une
idéologie officielle anti-peinture héritée
d'une période de près de quarante ans et qui s'est
comme formolisée par l'existence même d'institutions
qui se sont crispées sur ce dogme."
Comme le critique d'Art Press, Richard Leydier avait envoyé
un plaidoyer aussi vif que désabusé en faveur des
peintres, il restait à écouter ceux-ci. Les huit artistes
(2) conviés à témoigner ont donné
une idée de l'infinie diversité des approches lorsqu'il
s'agit de s'expliquer sur son art. »
(3)
(2) Vincent Bioulès, Vincent Corpet, Marc Desgranchamps,
Dominique Gauthier, Valérie Favre, Stéphane Pencréac'h,
Guy de Rougemont et Cécile Hartmann. Un dossier complet peut
être consulté sur le site du CRC : www/crclr.org (3) Cet article est paru dans Horizons-Sud n°13, janvier
2003, sous le titre : "Attention à la peinture! "
remark:
I remind that « the rectoversé page »
is the regular multimedia chronicle of the www.rectoversion.com
website. As such, it expresses only my own points of view and centres
of interests. These, as the totality of the site www.rectoversion.com
website, do not engage the members of the movement created in March,
2002, " Rectoversion, from the year 10 to 10.000". For
all that, this movement continues to exist but it does not possess,
at the moment , a specific site on Internet. Only a page
of information was maintained on www.rectoversion.com
Michel De Caso, webmaster of the www.rectoversion.com
website
*
THE 'RECTOVERSE' PAGE N°18
WWW.RECTOVERSION.COM WEB LETTER
PAINTINGS, SCULPTURES and WRITINGS of CONTAMPORARY ART.