Masculin / Féminin
par
Michel De Caso

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III / Questionnements


1. Sur la dévalorisation du féminin

Il ne fait aucun doute que d’une façon quasi générale, tout ce qui peut se rapporter au féminin a été dévalorisé tout au long de l’histoire humaine. Dans les recherches philosophiques et linguistiques que j’ai faites sur les mots « recto » et « verso », la dévalorisation de tout ce qui peut être assimilé au féminin, donc au verso, ne fait aucun doute. Celle-ci a été effectuée au profit de tout ce qui se rapporte au masculin, c’est-à-dire au recto. Je vous invite à vous reporter au tableau « le langage dualiste » extrait de l’un de mes livres sur la Rectoversion. Des copies circulent parmi vous.


2. Sur les niveaux de réalité

Ce constat de dévalorisation du féminin par rapport au masculin étant admis, même si l’on retient la thèse traditionnelle de la dualité originelle du masculin et du féminin, à la façon du Yang et du Yin oriental, comment peut-on comprendre et accepter que tout ce qui peut être rapporté au féminin ait été manifestement dévalorisé ?

Sur le plan métaphysique, le masculin et le féminin s’avèrent être nécessaire. Ils ont chacun leur fonction et leur cohérence. Comment se fait-il qu’à partir d’une relation d’égalité métaphysique, l’espèce humaine en ait tiré des conclusions entraînant la supériorité du masculin sur le féminin ? On pourrait même dire que la dévalorisation du féminin est métaphysiquement absurde. Pour reprendre le concept des niveaux de réalité cher à Basarab Nicolescu, il est difficile voire impossible de comparer des éléments qui n’appartiennent pas à la même réalité. Or, la réalité métaphysique n’est pas la réalité sociale et vice versa.

La confusion des niveaux de réalité peut entraîner les pires égarements, et permettre les dérapages idéologiques et culturels dont parlent à juste titre Françoise Héritier. Aussi, l’inégalité de traitement entre le masculin et le féminin sur le plan humain et social ne peut avoir valablement comme justification la dualité originelle. C’est un peu comme lorsque certains religieux veulent à toutes fins instaurer la Jérusalem céleste sur notre terre : on connaît malheureusement les conséquences désastreuses d’une telle illusion.

3. Sur le rapport bipolaire

Le couple masculin-féminin renvoie clairement à un type de relation à deux termes, soit bipolaire. Or, cette bipolarité pose questions.

D’abord, la réalité, même la plus prosaïque, est souvent plus multipolaire que bipolaire. Bien des situations n’entraîne pas la présence d’un terme contraire. Ainsi, si vous êtes en train de marcher, quel est le contraire ? Courir ? S’arrêter ? S’allonger sur le sol ? Sauter en l’air ? Les situations où peuvent s’appliquer un rapport bipolaire construit sur deux termes contraires sont finalement assez rares.

Ensuite, ce rapport bipolaire est trop souvent présenté sur une relation d’opposition de deux contraires alors que souvent, les deux termes sont plutôt complémentaires.

Enfin, ce rapport bipolaire exclusif répond à la logique aristotélicienne du tiers exclu et ne prend pas en compte la logique du tiers inclus, telle qu’elle a été proposée par Stephane Lupasco et dont j’ai proposé l’équivalent plastique avec la Rectoversion (et ce, d’ailleurs, sans connaître ni les travaux de Lupasco, ni ceux de Basarab Nicolescu, comme quoi les convergences non maîtrisées, cela existe).

La logique du tiers inclus stipule que dans une relation antagoniste entre deux termes, il existe un troisième terme d’une autre nature qui traverse d’une certaine façon chacun des deux termes et qui permet par là même d’envisager leur dépassement.

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Pour finir, je dirais que sur le plan symbolique, le couple masculin / féminin renvoie probablement à autre chose que le couple masculin / féminin compris habituellement dans le sens homme / femme. De toute façon, même si nous nous plaçons uniquement sur le plan de la sexualité, il semble évident que l’homme et la femme ne sont pas totalement masculin, ni totalement féminin. Et que dire des homosexuels et des transsexuels ? Il n’en reste pas moins que dans le quotidien, dans le rapport entre les hommes et les femmes, rien ne peut justifier une inégalité de traitement des uns au profit des autres. Rien ne justifie également un désir effréné de nivellement et de suppression des spécificité de chaque pôles. La perpétuation du combat démocratique n’est en rien incompatible avec l’acceptation de la dualité originelle. L’humanisme de demain pourrait bien être celui qui n’oppose plus tradition et modernité.

© Copyright Michel De Caso, novembre 2007.

Intervention faite pour l’ADREUC. Toute reproduction, totale ou partielle, est autorisée par l’auteur sous réserve que la source soit clairement indiquée.

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