Masculin / Féminin
par
Michel De Caso

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II / Quelques explications sur l’universalité de cette prégnance
 

2. Explications sociales et psychologiques

 a. Le reflet de la différence sexuelle : psychanalyse freudienne

La réponse la plus évidente qui expliquerait l'opposition universelle masculin / féminin serait la différence sexuelle. Ce serait ainsi le biologique qui formerait le fondement et la cause de l'omniprésence de cette opposition dans le psychisme. Ce réductionnisme biologique est, par exemple, développé par la psychanalyse freudienne. Bien sûr, il s’agit de replacer les travaux de Freud dans le contexte de son époque, sinon on aurait du mal à comprendre certaines de ses prises de position comme ces citations l’expriment :
« …l’infériorité intellectuelle de tant de femmes, qui est une réalité indiscutable, doit être attribuée à l’inhibition de la pensée, inhibition requise pour la répression sexuelle.» Sigmund Freud, La vie sexuelle (1908).
ou encore :
Même si la femme « doit être jugée avec indulgence et tolérance dans les domaines où elle est en retard sur l’homme », « Il est vrai, dit Freud, que la femme ne gagne rien à étudier et que cela n’améliore pas, dans l’ensemble, la condition des femmes. En outre, la femme ne peut égaler l’homme dans la sublimation de la sexualité. » Sigmund Freud (1907).
 

b. Le reflet des structures de l’être profond du langage : psychanalyse lacanienne

Une autre réponse, plus abstraite, consisterait à tenter de rendre compte de cette prégnance en ramenant cette opposition aux structures profondes du langage. Ces structures pourraient être alors interprétées à la lumière de la psychanalyse lacanienne. En ce qui concerne Lacan, je ne me hasarderai pas à entrer dans le détail …


c. Le reflet de la différence sociale : les sciences humaines (marxisme)

Une autre réponse a été proposée par les sciences humaines et spécialement le marxisme. L’origine ce cette opposition serait culturelle. Elle serait comprise alors comme reflétant les relations constitutives d'un système politique de division en classes économiques réparties selon les sexes.
Marx n’a-t-il pas écrit : « Dans la famille, l'homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat. »
(Karl Marx 1818-1883 - L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État)
Ce serait cette division sociale qui sous-tendrait tous les systèmes symboliques et catégoriaux composant une culture. Ces systèmes idéologiques renforceraient et stabiliseraient les valeurs de dépendance pour la femme et de domination pour l'homme.

Plus récemment, on pense bien sûr au livre de Pierre Bourdieu, édité en 1998, « La domination masculine ». Pour Bourdieu, la domination masculine est tellement ancrée dans nos inconscients que nous ne l’apercevons plus. Nous sommes tellement accordés à nos attentes que nous avons du mal à la remettre en question. La vision androcentrique (andro = mâle) se donnerait une légitimation biologique et naturelle mais ne serait ni plus ni moins que la reconduction d’une construction mentale et sociale arbitraire, celle de la domination masculine.



d. Le reflet des structures de la pensée : structuralisme

Plus philosophiquement, certains ont tenté de rendre compte de cette opposition à l'intérieur des structures mentales proprement dites. Ainsi, la thèse structuraliste tenterait de comprendre cette opposition par rapport aux structures même de la pensée. On pense ici aux travaux de l’anthropologue Claude Levi-Strauss et plus récemment, à ceux de Françoise Héritier qui s’est appuyée sur l’œuvre de Levi-Strauss.
Françoise Héritier, dans son livre Masculin/féminin [tome 1 La pensée de la différence (1996) et tome 2 Dissoudre la hiérarchie (2002)], explique que la différence des sexes ne relève pas de faits purement biologiques et universels. Pour elle, dans toutes les sociétés humaines, la distinction masculin/féminin est toujours une construction d'ordre rationnel, mythologique ou idéologique, même si elle s'élabore sur des données qui appartiennent à la nature.

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