Rectoversion et Physique Quantique *
par Michel De Caso

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Sommaire du dossier
Première partie
Science et métaphysique
Introduction à la Physique Quantique
Stephane Lupasco et Basarab Nicolescu
Tiers inclus et Rectoversion
Deuxième partie
Rectoversion et synthèse hégélienne
Les étonnantes correspondances
Peinture monoface / Physique classique : la dualité irréductible
Peinture biface / Physique quantique : la dualité paradoxale
Peinture triface / Tiers inclus : la dualité dépassée
Triades rectoversées et luspaciennes
Epilogue
Annexes


PREMIERE PARTIE


Cette étude se donne pour objet de provoquer le questionnement autour des étonnantes correspondances qui peuvent exister entre les visions rectoversée et quantique et, tout spécialement, celles de Stéphane Lupasco et Basarab Nicolescu.


Science et Métaphysique

Ces dernières années, on peut constater que certains scientifiques n'hésitent plus à se poser des questions métaphysiques. Cela correspond sans doute à la quête du sens qui marque notre époque. J'ai abordé ce positionnement de la science par rapport à la métaphysique dans le livre "Rectoversion, l'issue":

« ...(...)...Nous gravissons un sommet déjà occupé, telle est la remarque inattendue formulée par un astrophysicien contemporain qui tente de braver l'interdiction pour les scientifiques de faire de la métaphysique. On aurait aimé que ce scientifique ait le temps de dire que cette interdiction ne date que du XIX° siècle puisque jusqu'au XVIII°siècle, on distinguait la philosophie naturelle s'occupant des choses de la nature (la physique, la biologie, l'astronomie...) et la philosophie morale qui étudiait la nature, la pensée et le destin de l'homme ainsi que tout ce qui touchait aux principes supérieurs comme Dieu et l'âme (la métaphysique ou philosophie première).

C'est au XIX° siècle que la philosophie naturelle devient la science - telle qu'on la connaît aujourd'hui - tandis que la philosophie morale éclate en plusieurs spécialités dont la métaphysique au même titre que la morale ou la logique. Concrètement, cela revient à dire que si un scientifique veut être pris au sérieux, il ne doit surtout pas se hasarder dans le domaine de la métaphysique.

Les spécialistes des XIX° et XX° siècles ont remplacé les penseurs polyvalents des siècles précédents. Cette ligne de démarcation infranchissable entre la physique et la métaphysique n'existe finalement que depuis peu de temps au regard de l'histoire de la pensée, ce qui minore sa portée temporelle. Si l'on admet en outre qu'elle est la marque exclusive de la pensée occidentale, sa propension spatiale qui se veut universelle se voit singulièrement réduite...(...)... Au niveau des mentalités générales, il est un fait indéniable que la durée de la science est singulièrement exagérée quand ce n'est pas le scientisme qui se substitue à la science. Il est coutumier d'attendre de la science qu'elle apporte des réponses à des questions métaphysiques bien que le premier scientifique sérieux sait parfaitement que ce n'est pas son rôle, conformément à ce qu'il a appris.

Elle décrit de mieux en mieux le "comment" des phénomènes mais ne saurait en aucun cas répondre au "pourquoi". Même si un jour les scientifiques parviennent à expliquer sous forme d'équations mathématiques l'origine de l'Univers, il ne leur sera pas possible d'expliquer pourquoi il y a eu plutôt cela que rien. Cette impossibilité métaphysique est le b.a.-ba de tout scientifique honnête...(...)...»
("Rectoversion, l'issue", Michel De Caso, Ed.ADAP, 2001, p. 347-349)

Ce rapport science/métaphysique étant posé, il faut reconnaître que, parmi les scientifiques, ceux qui sont le plus à même de poser des questions métaphysiques sont les physiciens quantiques. Ainsi, peut-on rappeler brièvement cette expérience effectuée par des physiciens du groupe de physique appliquée de l'Université de Genève et du Centre de philosophie quantique de Zurich qui a démontré que le temps ne se comporte pas de la même façon dans le monde quantique (microscopique) que dans notre monde (macroscopique). La revue Science et Vie de janvier 2003 lui a consacré un dossier dont voici un extrait.

«...(...)...Quelque chose d'hors du commun s'est passé dans le sous-sol de l'Université de Genève. Littéralement. Car, pour la première fois, notre sens commun de la causalité spatio-temporelle a été pris en défaut, sans échappatoire possible! Il a suffi pour cela d'une expérience, d'ores et déjà historique. En résumé, des couples de petites particules de lumières (photons) ont été envoyés, via des fibres optiques, contre deux miroirs éloignés de 55 m. Ces miroirs étant semi-transparents, chaque photon pouvait soit s'y réfléchir, soit passer au travers. Or, le comportement de ces paires de photons face aux miroirs s'est révélé parfaitement semblable: soit, ils s'y réfléchissaient tous les deux, soit ils les traversaient de concert. Le problème, c'est que rien ne peut expliquer comment les choses ont pu se passer dans le temps pour que les photons appariés aient un tel comportement...(...)...»
(Science et Vie n°1024, p.36)

Le dossier, au demeurant excellent, a été réalisé par Hervé Poirier qui ne s'y est pas trompé puisqu'il écrit non sans une pointe d'humour : «...Plus qu'une expérience de physique, c'est aussi une expérience métaphysique qui s'est déroulée à Genève : dans la ville de l'horlogerie, le temps, pendant un instant, s'est arrêté.» (Ibidem, p.43)


Introduction à la Physique Quantique

La signification littérale de "physique quantique" est "physique des quantas", "quanta" étant le pluriel latin de quantum qui signifie "quantité". C'est en décembre 1900 que ce nouveau mot apparaît dans un mémoire de l'Allemand Max Planck qu'il présente à l'Académie des Sciences de Prusse. Planck met en avant que les échanges d'énergie entre la lumière et la matière ne peuvent se réaliser que sous la forme de paquets discontinus, dénommés les quantas. La loi ancienne de la continuité, essentielle dans la physique classique, se voit ainsi remise en cause.

Pour aborder la physique quantique de façon non spécialisée, voici un extrait de l'excellent ouvrage "Le Trésor", écrit sous la direction de Michel Serres et Nayla Farouki.


Physique quantique

« La théorie quantique est utilisée par les physiciens pour rendre compte des phénomènes qui ont cours à l'échelle microscopique. Ces phénomènes mettent en jeu des atomes ou des particules comme les protons, les neutrons, les électrons ou encore les photons, qui sont les grains de lumière. Ces objets ne sont visibles ni à l'œil nu, ni à la loupe, ni même au microscope. Il aura fallu attendre le XX° siècle pour les découvrir.»

« La physique quantique a été l'outil essentiel des progrès de la physique de 1920 à nos jours dans pratiquement tous les domaines : physique du solide, physique atomique, physique statistique, physique nucléaire, physique des particules...Son élaboration a commencé après que les physiciens eurent découvert, au début du XX° siècle, que les lois ordinaires de la physique ne rendaient pas compte du comportement des atomes. Par exemple, ces lois ne permettaient pas de comprendre ne serait-ce que la stabilité des atomes, ni le mécanisme par lequel ceux-ci émettaient de la lumière. Il apparut aussi que les électrons, censés tourner autour du noyau de l'atome un peu comme les planètes tournent autour du Soleil, n'ont pas de trajectoire bien définies. Ils semblent délocalisés dans l'espace, sauf lorsque l'on fait en sorte de mesurer leur position!...»

« Pour rendre compte de tout cela, il fallut transformer la physique en profondeur. La physique quantique est précisément le résultat de cette révolution de la pensée qu'accomplirent des physiciens aussi célèbres qu'Albert Einstein, Paul Dirac, Erwin Schrödinger, Werner Heisenberg, Niels Bohr...(...)...»

« A ce jour, aucune expérience n'est venue démentir ces prédictions, aussi étranges soient-elles. La physique quantique utilisant des concepts qui n'ont pas toujours de contrepartie dans la vie courante, il ne faut pas s'étonner si certaines de ses prédictions heurtent si violemment le sens commun. Albert Einstein, pour ne citer que lui, n'a jamais accepté certaines de ses conséquences, en particulier le fait qu'elle ne permet de calculer que des probabilités.»



Une profonde remise en cause des lois classiques

« La remise en cause la plus importante à laquelle oblige la physique quantique concerne la manière de représenter les objets physiques et leurs propriétés. L'ancienne physique, dite classique, distingue deux sortes d'entités fondamentales: les corpuscules, qui sont des sortes de billes microscopiques, et les ondes, qui se propagent dans l'espace un peu comme le mouvement d'une vague sur la mer. La physique quantique ne retient pas cette classification pourtant bien commode. Les objets qu'elle considère ne sont ni des corpuscules ni des ondes, mais "autre chose"..»



Le réel en question

« La physique quantique soulève des questions d'ordre philosophique, qui sont loin d'être élucidées. Elles concernent notamment la relation entre les objets physiques et leur représentation. Pouvons-nous connaître la réalité objective ou n'avons-nous accès qu'à des apparences? Le moins que l'on puisse dire, c'est que la physique quantique ne nous donne pas une vision claire de ce que nous appelons le "réel"...(...)...»
(" Le Trésor, Dictionnaire des Sciences ", sous la direction de Michel Serres et Nayla Farouki, Ed.Flammarion, 1997, p.719-720.)


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Cette introduction étant faite, je peux préciser maintenant que les premières convergences entre les visions quantique et rectoversée tiennent d'abord en leur proclamation commune de la non-irréductibilité de leurs deux termes privilégiés de recherche, à savoir : le corpuscule et l'onde pour la Physique Quantique, le recto et le verso pour la Rectoversion.

A partir de cette non-irréductibilité des deux termes, le physicien et philosophe Stéphane Lupasco a introduit un troisième terme dans la proposition initiale binaire. Il appelle cela le Principe du Tiers Inclus, en référence au Principe classique du Tiers Exclu. Sans connaître l'œuvre de Lupasco et dans mon domaine des arts plastiques, j'ai abouti en 1991 à la même proposition lorsque j'ai introduit dans l'antagonisme du recto et du verso un troisième élément, la percée, que j'ai nommé "l'issue" ou "troisième face", d'où le nom de peinture "triface" donnée à la peinture rectoversée.

 

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* Ce dossier reprend ici l'intégralité des textes et des schémas du livre
" Rectoversion et Physique Quantique", Michel De Caso,
32 pages, format A4, ADAP, 2003.