La page rectoversée  n°18

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Persistance de la Peinture

 

L'irrationnel en peinture
Colloque "La peinture dans l'art contemporain"

 

 

Comment continuer de peindre mais d'une façon nouvelle? Comment peindre à l'époque des images numériques et après l'incroyable diversités des différentes expressions artistiques du XX° siècle? Comment assumer la désobéissance dans le lien? Les réponses à ces questions sont sans doute indéfinies. La Rectoversion qui fut un tâtonnement et non un acte intellectuel délibéré est une des réponses possibles. Avant d'être un concept, elle est d'abord une façon concrète de concevoir, préparer et peindre un support.

Par ces prolongements théoriques, la Rectoversion fait ainsi partie de ces propositions picturales qui relancent la possibilité de peindre en annoncant une nouvelle vision révélatrice, en fait, d'une mutation plus générale de la pensée et des cultures. Son processus de renouvellement pictural confirme la persistance de la peinture. Il rejoint à ce titre celui qu'avait suscité d'autres mouvements artistiques antérieurs.

On pense d'abord au Cubisme et au Surréalisme. Lorsque Pablo Picasso fait imploser en petites facettes l'effigie du fameux marchand des cubistes dans son tableau de 1910 "Le portrait de Kahnweiler", il propose une nouvelle vision où les objets sont représentés sous différents angles de vue. Il en est de même pour les autres peintres cubistes analytiques comme Georges Braque ou Juan Gris. Le fait qu'ils aient pu élargir leur technique picturale en collant sur leurs toiles d'autres matériaux que des pigments traditionnels n'empêche en rien que leur proposition picturale appartienne au domaine de la peinture. Ils ont ouvert le langage pictural à d'autres matériaux et à d'autres points de vue, l'expression "points de vue" pouvant être entendue au sens propre comme au sens figuré.

Le Surréalisme a connu le même processus. Même si les tableaux de Salvador Dalí ou d'Yves Tanguy ne sont constitués que de matériaux picturaux traditionnels, ils représentent des visions oniriques nouvelles qui correspondent aussi à une mutation en ce qui concerne l'approche de l'inconscient. Le Surréalisme correspond à une façon de voir quand ce n'est pas à une façon d'être.

En d'autres termes, un peintre peut réaliser un tableau cubiste ou surréaliste sans renier la tradition picturale. Rupture et continuité sont alors conciliables. Il en est de même pour la Rectoversion qui invite le peintre à réaliser un tableau sur ses deux faces au préalablement percées. C'est cette résolution qui change tout. Les cubistes et les surréalistes ont certes renouvelé le langage pictural mais ils n'ont pas eu la nécessité de peindre le verso de leurs toiles, encore moins de les percer de part en part. On pourrait dire la même chose de la peinture expressionniste ou de tout autre mouvement pictural moins important puisqu'à ce jour, le questionnement du recto et du verso et leur dépassement n'a jamais été aussi abouti que dans la proposition rectoversée.

C'est pourquoi la Rectoversion, comme le Cubisme ou le Surréalisme ne prétend pas à la fin de la peinture. C'est même le contraire puisqu'elle réconcilie aussi la rupture à la tradition. A l'extrême, vous pouvez même réaliser une peinture rectoversée dans la plus pure tradition picturale avec, par exemple, une stricte bidimensionnalité. C'est le fait qu'elle soit rectoversée qui lui amènera son statut inédit et contemporain.

Cette ambiguïté fait que les adeptes de la mort de la peinture considèrent la Rectoversion comme obsolète puisqu'il s'agit encore de peinture, tandis que les promoteurs de la peinture nostalgique se détournent d'elle car elle leur apparaît trop conceptuelle et trop éloignée de la sacro-sainte peinture monoface.

J'ai abordé cette question de la persistance de la peinture dans le livre "Rectoversion, l'issue". Le paragraphe en question se nomme "l'irrationnel en peinture" et avait été écrit en 1998. En voici un extrait :

 

L'irrationnel en peinture (1)

«   La peinture contemporaine est le plus souvent une apologie de la pensée rationnelle. Le public ne peut saisir son évolution que par son étude raisonnée. Pour apprécier l'art contemporain, le raisonnement mental est nécessaire et la maîtrise de données théoriques est indispensable. C'est en ce sens que l'approche discursive s'est substituée à l'approche intuitive. L'intellect joue désormais le rôle fondamental et une œuvre contemporaine orthodoxe doit d'abord être comprise avant d'être éventuellement ressentie.

Pour l'heure, bien que notre peinture puisse apparaître comme hérétique, nous ne rejetons pas le dogme rationaliste en vigueur et l'avons assimilé en son temps. Ce que nous déplorons, c'est que l'art contemporain refuse délibérément toute approche irrationnelle. Or, contrairement à l'opinion répandue, la peinture n'est pas toujours accessible à la raison. Son caractère irrationnel nous paraît même essentiel. Les peintres ne sont-ils pas les mages de l'image? Nous n'hésitons pas à appliquer à la peinture le terme magique pris dans sons sens courant, non connoté d'occultisme de bas étage et de pratiques peu recommandables. L'aspect irrationnel de la peinture auquel nous faisons allusion concerne la peinture en tant que telle qui est, comme la musique avec le rythme et la mélodie, un langage proprement universel spécifique à l'espèce humaine....(...)...

Lorsqu'on la croit morte, la peinture se retourne toujours dans sa tombe pour renaître sous une forme nouvelle. Combien de fois a-t-on entendu qu'elle était morte ? Le grand critique d'art Elie Faure écrivait en 1921 : " Il y a encore, il y aura encore des peintres, beaucoup de peintres, mais la peinture, c'est fini."

La peinture a d'abord survécu à l'invention de la photographie. Loin de disparaître, elle a au contraire développé sa spécificité en acquérant son autonomie. Les peintres surent créer une nouvelle façon de peindre et commencèrent à relativiser l'inféodation de la peinture au réel et au visible. Désormais, le peintre n'était plus le seul à pouvoir saisir l'instant. Le photographe avec son appareil pouvait aussi le fixer et offrir au regard une mémoire imagée au rendu impeccable.

Le cinématographe aurait pu aussi anéantir la peinture, avec ses photographies qui se meuvent et sont douées de paroles! En fait, le développement du septième art a permis aux peintres de pousser plus loin leurs investigations picturales avec tous les excès dont ils sont capables. Le même processus d'assimilation puis de retournement de situation que la peinture a effectué face aux arts photographique et cinématographique, s'est reproduit avec les images informatiques...(...)...

On aurait tort de croire que les images numériques seront fatales à la peinture. D'ores et déjà, par la mise à jour de la Rectoversion, opération plastique applicable sur le support le plus minimal et le plus neutre qui soit, la feuille de papier, nous démontrons qu'il en est rien. Il nous a semblé, en effet, dans un mouvement à la fois raisonné et intuitif, que l'aventure picturale pouvait continuer en allant voir de l'autre côté du tableau. Mais c'est en passant au travers du tableau que nous avons eu la révélation que la rectoversion était l'une de ces ouvertures insaisissables qui font que, tant que l'expression artistique sera présente en l'homme, la peinture persistera. » (1)

(1) extrait de "Rectoversion, l'issue", p.333-336, Ed. ADAP, 2001.

 

Par ailleurs, un colloque vient d'avoir lieu sur ce thème en Languedoc-Roussillon. Je vous propose le compte rendu paru dans le journal Horizons-Sud de janvier 2003. A sa lecture, vous serez à même de vous faire votre opinion.

MDC

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Colloque

La peinture dans l'art contemporain

A l'invitation du Comité Régional de la Culture,
sociologues et artistes ont débattu
au Château de Castries
(3)

 

« Quelle est la place de la peinture dans l'art contemporain ? Critiques, sociologues, artistes, se sont efforcés de répondre à cette ( vaste) question dans le cadre du colloque organisé au Château de Castries par le Comité Régional de la Culture.

Cette rencontre se situait dans la continuité du travail engagé par le CRC depuis deux ans autour de l'art contemporain en Languedoc-Roussillon, avec notamment la campagne de communication du Bel Eté et divers séminaires de réflexion. Quelque peu bousculée, parfois marginalisée, fortement concurrencée en tout cas par les autres modes d'expression de l'art contemporain (vidéo, photographie, installation, etc...° la peinture a effectué ces dernières années un retour en force dans un paysage désormais mondialisé.

Exception française

A vrai dire, la question s'avère essentiellement franco-française, et comme l'a observé Philippe Dagen, historien d'art et critique au journal Le Monde. "Un tel colloque n'aurait probablement pas de raison d'être ailleurs qu'en France". Ce qui voudrait dire que seul notre pays entretient des doutes sur la validité de la peinture. Il est vrai que les choses ont changé ces derniers temps et que, outre deux importantes expositions qui lui ont été dédiées en 2002, Urgenbt painting et Cher Peintre, on assiste à un retour en faveur de la peinture comme on pouvait le constater à la FIAC.

La question serait plutôt ; ne serait-il pas grand temps?
Les constatations d'Alain Quemin tendraient à le laisser penser. Le travail effectué par ce sociologue sur une commande du ministère des Affaires Etrangères a jeté quelque trouble dans le Landernau offciel, notamment du côté du Ministère de la Culture. Il y démontre, en effet, chiffres à l'appui, la perte d'influence de l'art français sur tous les terrains internationaux. Qu'il s'agisse des musées ou centres d'art, des galeries ou des ventes : la place des artistes français, à quelques rares exceptions près, s'avère de plus en plus marginale. Et Alain Quemin de lancer cette accusation : "C'est le côté le plus idéologique de l'art qui est le plus soutenu à l'étranger. Il y a une grande résistance des institutions vis-à-vis de la peinture."

Face à l'idéologie officielle

Qui voudrait donc la mort de la peinture?
Dagen, lui, mettait en évidence les anachrominsmes propres à ces institutions. "Aujourd'hui, on est en face d'une idéologie officielle anti-peinture héritée d'une période de près de quarante ans et qui s'est comme formolisée par l'existence même d'institutions qui se sont crispées sur ce dogme."

Comme le critique d'Art Press, Richard Leydier avait envoyé un plaidoyer aussi vif que désabusé en faveur des peintres, il restait à écouter ceux-ci. Les huit artistes (2) conviés à témoigner ont donné une idée de l'infinie diversité des approches lorsqu'il s'agit de s'expliquer sur son art. » (3)

(2) Vincent Bioulès, Vincent Corpet, Marc Desgranchamps, Dominique Gauthier, Valérie Favre, Stéphane Pencréac'h, Guy de Rougemont et Cécile Hartmann. Un dossier complet peut être consulté sur le site du CRC : www/crclr.org
(3) Cet article est paru dans Horizons-Sud n°13, janvier 2003, sous le titre : "Attention à la peinture! "

Vous aurez toutes les informations sur ce colloque en cliquant sur cette adresse du Comité Régional de la Culture :
http://www.crclr.org/rencontrepeinture.htm

 

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remarque :
Je rappelle que « la page rectoversée » est la chronique multimédia régulière du site www.rectoversion.com. A ce titre, elle n'exprime que mes propres points de vue et centres d'intérêts. Ceux-ci, comme la totalité du site www.rectoversion.com, n'engagent en rien les membres du mouvement créé en mars 2002, « rectoversion, an 10 de l'an 10.000 ».

Michel De Caso, webmaster du site www.rectoversion.com

 

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LA PAGE RECTOVERSÉE N°18 - Décembre 2002
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