RECTOVERSION, AN 10 DE L'AN 10.000

LE JOURNAL

numéro 1 - juillet 2003

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Coup de gueule *
par Eric Vançon

Introduction

Les disciplines savantes constituent la base solide d'un peuple et d'un pays à travers la culture véhiculée notamment par l'éducation. Une civilisation, comme toute chose, s'inscrit toujours dans une parabole en forme de cloche .... il y a un début, une apogée, une fin.

Les passionnés d'art, à travers l'étude des civilisations depuis l'aube de l'humanité, reconnaîtront dans la phase montante une courbe favorisée par le développement des techniques mais aussi et avant tout par la culture, à travers les échanges entre les disciplines et les autres pays. La phase finale quant à elle est toujours caractérisée par la décadence d'un peuple où la guerre et le manque de moralité et d'éducation sont les maîtres mots. Sans vouloir dresser un tableau pessimiste de notre pays (quoique), mais simplement pour sensibiliser la population, un faible pourcentage d'intellectuels mais très lucides tendent à penser que notre civilisation européenne commence à dépasser ce point d'apogée, du moins si cela n'est déjà pas vérifié. La violence grandissante et la répression qui s'en suit sont un symptôme particulier qui vient confirmer cette hypothèse.

Quel est le panorama culturel de la France actuellement ? "Du pain et des jeux" tout comme à l'époque de la décadence romaine, dans le but d' endormir la majorité de la population... Il est en effet plus facile de canaliser et de satisfaire le plus grand nombre que de contenir la révolte de la minorité !!! Ainsi les émissions de divertissement en tout genre ont remplacé les arènes et les gladiateurs, le sexe (TV, médias, et même chez les créateurs de mode - Porno Chic développé par les Parfums Yves St Laurent , quel manque de créativité ! )et la violence sont omniprésents ... tous les éléments sont là pour engendrer l'abrutissement de notre pays et cette décadence de l'esprit !

Certains vont certainement voir d'un œil rieur ce préambule, mais il faut alors leur avouer qu'ils n'ont pas assimilé toutes les données du problème. L'art et la culture en France sont malades, tandis que de part et d'autre les intellectuels et les artistes sont sur le pied levé et des comités de défense voient le jour, tout cela dans l'ombre, sans qu'aucun média n'en parle véritablement.

Les champs d'action des disciplines savantes diminuent au fil des ans, depuis environ une bonne trentaine d'année : on tronque les subventions culturelles au détriment des sportives, on réduit le budget de la Culture, on chasse les artistes des squats (comme on chasse les marchands du temple) et on arrive même à condamner une avocate qui jouait de l'accordéon dans les rues de Brives sous prétexte qu'elle demandait l'aumône (septembre 2002) !!! Cette pauvre avocate risque d'être radiée; elle a d'ailleurs été sévèrement réprimandée par ses confrères qui ont vu dans cette "passion musicale" une attitude indécente, indigne pour une représentatrice de la Cour de Justice...entre étude, esprit et culture, le fossé semble s'élargir ! Là aussi la balance symbolique semble pencher du mauvais côté ...

La révolte gronde au sein des artistes et des intellectuels et le soulèvement approche ... La répression a été adoptée pour remédier à la violence, qui est la cause même et directe d'un problème situé en amont : la lassitude, le manque d'engouement, le repli sur soi-même, l'individualisme, la grisaille des bâtiments modernes ... Pourquoi ne pas faire appel aux artistes pour éduquer, et réapprivoiser ce goût de l'esthétique? Où est cet élan culturel qui rassemble toutes les disciplines artistiques, ce savoir faire en matière d'architecture, de décoration ? Peintres, sculpteurs, graveurs, musiciens, écrivains, philosophes, créateurs, architectes, ensemble, notre rôle est là, au quotidien !!! Les chaînes de télévision, formidables véhicules d'échanges et reconnues comme le seul moyen d'informations par la majorité des familles françaises, sont-elles prêtent par exemple à diffuser enfin des émissions dignes de ce nom au moins une fois par semaine en soirée au détriment du "Saint-Audimat" ??? Notre gouvernement saura-t-il se dispenser encore longtemps de cette formidable machine créative que constituent les artistes et les intellectuels, ou sera-t-il assez lucide pour comprendre et agir afin de renoncer à l'effondrement culturel de notre pays ?

L'art en France

Le XXIème siècle semble engager l'art français dans une lutte opposant actuellement l'art officiel soutenu par l'état, d'une part, et les organismes (salons, associations...) ainsi que le reste des artistes en marge d'autre part.

Que se passe-t-il donc dans notre pays pour que l'on s'intéresse autant à ce soulèvement manifeste de part et d'autre, alors qu'aucun mot d'ordre n'a été donné ? Comme tout bouleversement politique, le bouleversement artistique apporte de nouvelles données idéologiques et créatives qui façonnent le paysage culturel d'un pays; or, il se trouve justement que la France se situe à ce point de rupture artistique dont le rejet grandissant de l'art officiel va inévitablement conduire au remodelage de l'horizon culturel.

Avant de prendre part à ce soulèvement, il est important d'analyser la situation...

Qu'est ce que l'art ? Difficile de résumer ce moyen d'expression en seulement quelques lignes... en tout cas, et ce qui est sûr, c'est que l'art est avant tout une doctrine, un dogme spirituel que l'artiste ou tout autre représentant de l'art se doit de respecter comme un chemin de croix. La créativité est le reflet de la spiritualité, l'expression celui de la sincérité et de l'authenticité. Un artiste en général, s'il veut prétendre à la reconnaissance, doit donc respecter ces données. Malheureusement, il faut bien avouer que l'on a du mal à prêter certaines attentions spirituelles aux artistes contemporains qui semblent plutôt attirés par la doctrine du "n'importe quoi pourvu que ça se vende". En fait il convient tout à chacun de se remettre en cause et de pratiquer son art en bonne conscience et d'être en harmonie avec ses convictions.

Ce qui est pernicieux dans l'art moderne contemporain c'est qu'il a ouvert de nouvelles voies à cette ascension mercantile et opportuniste, non compatible avec ce que nous avons lu plus haut. Il ne s'agit pas de pratiquer l'ascétisme absolu mais il convient de garder des valeurs justes et convenables. Cet art officiel contemporain est en fait contrôlé par une bourgeoisie mondaine et politique, style JET SET, soutenue par l'état et ses représentants qui côtoient ces deux univers très proches car aspirant aux même intérêts.

Ces vastes réseaux de connaissances alimentent tout un marché placé à tous les niveaux. Depuis la création (mécénat des artistes voués à une ascension rapide, subventions culturelles élevées) jusqu'à la vente (espaces, galeries), en passant par les musées (musées d' art contemporain : Beaubourg, FRAC ... ) et les salons (FIAC en France, Turner Prize en Angleterre ... la liste est très longue), tout ceci étant orchestré par la médiation et la critique de l'art qui vont dans ce sens, par peur de la baisse de leurs tirages.

L'œuvre ici n'est plus qu'une marchandise vouée à la spéculation pure, et aboutit à une reconnaissance non justifiée, tout en faisant croire à un public perdu et médusé ainsi qu' à l' artiste lui-même, à un génie artistique. Ce public est pris en otage, manipulé, arraché entre ses convictions et la vision de l'art qui lui est imposée. Il n'est même plus capable d'apporter le moindre jugement personnel et il est contraint de se soumettre, de donner son entière confiance aux critiques de l'art, eux-mêmes victimes d'une société vouée à la dérive. Bref on l'entend plutôt dire "Vous savez, moi je ne m'y connais pas trop dans l'art" plutôt et simplement que "J'aime ou je n'aime pas cette oeuvre parce que...". Ainsi cette accessibilité sans convictions, aboutit à la vulgarisation de l'art à l'atrophisation intellectuelle qui discrédite les vrais artistes cloîtrés dans leurs ateliers ainsi que les associations et les organismes qui se battent au quotidien pour favoriser les échanges culturels et étendre ce rayonnement de l'art français hors de nos frontières.

Depuis les années 70, cette régression accompagnée d'un laxisme et d'un désintérêt de la part des élus politiques, a conduit par exemple à une nette baisse de la promotion des artistes français contemporains élevés au rang international (ce qui n'est pas un aboutissement en soi), à la diminution progressive des subventions et des aides financières ou matérielles, et à une baisse flagrante du marché de l'art mondial détenu par la Grande-Bretagne, la Chine et le Japon.

© Eric Vançon

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* extrait du site www.artistorama.com

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