"La
Rectoversion enseigne ceci : ce qui oppose un monde à un
autre ne tient pas à grand chose; une bande de bois; juste
un point de vue subjectif , tout relatif. En fin de compte, il n'y
a pas séparation, pas de conflit. Il suffit juste de se taire
et de traverser". A la suite de Marcel Duchamp qui avait écrit
: "c'est le regardeur qui fait le tableau", la Rectoversion
déclare : "c'est le regardeur qui fait le recto".
En
peignant nos peintures non plus uniquement sur leur face visible
(recto) mais également sur leur face cachée (verso),
nous avons découvert un champ d'investigation vierge. Ce
procédé plastique de peindre les deux faces d'un tableau
nous a permis de continuer à pratiquer la peinture dans sa
plus stricte bidimensionalité tout en proposant une approche
plastique inédite. Nous situons cette pratique dans une critique
plus générale d'une idéologie de la rectitude,
symboliquement masculine, qui a engendré une dévalorisation
de tout ce qui peut se rapporter au verso, au profit exclusif de
ce qui est rectiligne et associé au recto.
La
Rectoversion, proposition plastique née du questionnement
du verso, s'inscrit dans un contexte plus général
d'une avancée des valeurs symboliquement féminines
et apporte un éclairage différent sur tout ce qui
peut s'associer au verso. Pour autant, elle ne saurait s'assimiler
ni à une réversion, ni à une inversion. En
aucun cas, son propos serait d'ériger le verso en recto ou
vice-versa. Fondamentalement ouverte à l'autre, elle se nourrit
plus des différences qu'elle ne les nie. En proposant une
approche nouvelle du tableau, elle se situe dans un monde nouveau
où rationnel et irrationnel deviennent complémentaires
mais où les différences subsistent.
En
art comme ailleurs, les choses ne changent pas jusqu'au moment où
ceux qui avaient intérêt à ce qu'elles ne changent
pas perçoivent la nécessité du changement.
Nous en sommes précisément à ce point-là
en art contemporain. Même les tenants de l'art contemporain
le plus éculé, celui qui trouve sa véritable
origine dans les ready-made de Marcel Duchamp, se doutent désormais
qu'ils sont engagés dans une impasse. La digestion du complexe
Duchamp serait pour eux la meilleure sortie. Nous ne doutons pas
un instant qu'ils y parviendront. Toutefois, leur résistance
à s'en sortir pourrait bien être à la hauteur
de la stérilité des oeuvres contemporaines qu'ils
ont coutume de donner à voir depuis des décennies.
Nous
n'avons pas de leçons à donner. Au nom de quelle vérité
pourrait-on affirmer ceci ou cela, quand on sait que les vérités
sont souvent multiples et parfois même contradictoires ? Nous
constatons également tous les jours que le changement individuel
précède le véritable changement collectif.
C'est pourquoi la Rectoversion est une porte ouverte sur un monde
inexploré : celui de la pensée visionnaire de l'artiste
qui précède inéluctablement la mutation plus
générale de la pensée de son époque.
Pour être plus précis, nous pouvons même avancer
que cette mutation correspond ni plus ni moins à la fin de
l'idéologie de la rectitude issue de la Renaissance.
L'art
a accompagné l'homme dans toute son histoire. Si l'art est
un miroir de la société, si l'art témoigne
de notre culture, il est existentiel que l'art rentre dans notre
vie quotidienne. Face au formidable malentendu qu'est l'art contemporain,
la rectoversion nous apparaît comme la réponse idéale
pour anéantir toutes ces idées prédigérées,
préformatées qui encrassent l'imaginaire. C'est la
fin du cauchem'art.
Les
fondateurs du mouvement, le 5 mars 2002
Michel De Caso, Michel Bondou, Yves Aubrymore
(ces deux derniers ont démissionné du mouvement respectivement
en novembre 2003 et août 2002 )
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