RECTOVERSION, AN 10 DE L'AN 10.000

LE JOURNAL

numéro 3 - janvier 2004

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Métadualité dans la Kabbale
par Alexandre L'Hôpital-Navarre

On sait que la Rectoversion questionne la métadualité comprise comme le dépassement de la dualité. Comme nous l'avions indiqué dans notre précédent article (voir le numéro 2), nous proposons de parcourir ce principe à travers différentes traditions métaphysiques (Kabbale, Christianisme, soufisme, chamanisme, taoïsme, hindouisme, zen, etc…). Notre première intervention traitera spécialement de la métadualité dans la Kabbale. Pour répondre aux nécessités du Journal, seul un extrait de cette étude vous est proposé. L'extrait proposé est le chapitre 4 intitulé " l'arbre séfirotique ". La totalité de notre étude devrait faire plus tard l'objet d'une édition spécifique.

L'arbre séfirotique

Le schéma fondamental du monde repose sur trois colonnes verticales et parallèles par lesquelles se déploie dans les deux sens l'énergie de l'infini, l'or en sof (un des principaux thèmes de la mystique juive est qu'il existe une lumière primordiale, "Or en sof", la lumière Infinie). Les deux colonnes de droite et de gauche sont l'écorce, la partie visible et double de la manifestation, l'existence, la périphérie du cercle, tandis que la colonne centrale est la sève, partie cachée et unificatrice de l'arbre, la vie, le point du cercle.

Le côté droit, colonne de générosité (héssèd), exprime " les forces centripètes d'expansion, extension, expiration, ouverture, d'entropie. Il est le "oui " du monde, le " je fais ce que je veux " , mouvement dynamique de liberté, le cerveau droit intuitif, l'intériorité, le principe d'assimilation, d'identification, de communion, d'intimité symbolisés par l'inceste entre le frère et la sœur. Il correspond à l'élément eau qui prend toutes les formes de manière indifférenciée et qui déborde lorsqu'elle n'est pas équilibrée par le côté gauche. "(1)
Ce caractère " eau " l'associe au principe Yin sombre, la substance (prakriti hindoue) et est représentée par une ligne courbe ou ondulée qui fait "tourner le monde".

Le côté gauche, colonne de rigueur, justice (din), exprime les forces centrifuges de " rétention, inspiration du souffle, restriction, limitation, détermination, défini-tion, fermeture, retenue, sus-pension qui empêchent le débordement de héssèd. Il est le "non" du monde, le " je fais ce que je dois " , mouvement statique de la contrainte, le cerveau gauche analytique, l'extériorité, principe de séparation, de rejet, d'altérité, de différentiation, de distinction. "(2) Il correspond à l'élément "terre" qui organise et qui délimite.
Ce caractère terre l'associe au principe Yang lumineux, l'essence (purusha hindou) et est représenté par le carré ou la ligne orthogonale qui rectifie le monde.

La colonne centrale dite de l'harmonie (tiférèt) est l'axe de rahamim (compassion matriciante) et exprime la relation d'équilibre et d'égale distance entre les deux colonnes latérales. Elle est le rythme interne de la vie, l'éternelle jeunesse, le souffle vital, l'esprit Saint (rouah hagodech), le chemin de lumière, la porte étroite, la voie du milieu, le rapport immédiat de l'or en sof, l'ici et maintenant, le mi-oui mi-non, l'existence totale, lieu de shékinah, l'instant présent, représenté soit par le point zéro, soit par la ligne droite verticale.

Il est crucial de préciser que les trois colonnes coexistent simultanément : tiférèt n'est pas une conséquence chronologique et ontologique du rapport din / héssèd, une résultante synthétique qui surviendrait après-coup. Ils expriment en même temps et respectivement l'aspect interne et externe, ésotérique et exotérique de la manifestation. On ne peut séparer l'écorce de la sève d'un arbre et vice-versa.

Ainsi, sur les deux côtés de l'Ache d'Alliance (coffret contenant la présence divine dans le Saint des Saints), se trouvaient deux barres de transport parallèles qu'il étaient interdit d'enlever. Selon l'échelle de Jacob, symbole éminent du schéma fondamen-tal, les traverses horizontales, correspondants à tiférèt et permettant soit de monter soit de descendre, s'appuient simultanément sur les deux traverses verticales (din et héssèd). C'est en fait l'homme qui, en se situant entre ces deux colonnes, " qui sont les supports du monde et son propre support, réalise ainsi l'axe central, se faisant alors lui-même colonne creuse dans laquelle pourra circuler l'énergie l'or en sof "(3) , et par laquelle il pénétrera dans la shékina en deveqout comme il pénétrait dans le Temple de Jérusalem dont la porte d'entrée était soutenue de part et d'autre par deux colonnes : Boaz et Yakhin. C'est pourquoi les trois colonnes sont appelées " balance (itqalu) posée sur rien " (4).

L'erreur fondamentale consiste en la séparation de l'axe central d'avec les deux axes collatéraux et c'est cette erreur que commit Adam en " séparant les fruits de l'arbre ", l'âme de la matière, le corps de l'esprit, le ciel de la terre. Ainsi, du rapport ternaire qui est unité réelle de l'Infini, l'homme chute dans le rapport duel du fini et de la forme. Sans soutient, sans supports internes, il est emprisonné dans l'écorce du monde, vacillant inlassablement entre rigueur et générosité, justice et amour, attraction et répulsion, "moi-néant" et " moi-idéal "(5), à la recherche perpétuelle d'un autre qui serait lui-même et qu'il ne peut atteindre.

L'or en sof se décline, se diffracte en suivant ce schéma par dix sefirots : éléments, expressions, attributs fondamentaux qui balisent sa montée vers l'Infini et sa descente vers le monde d'en bas. Ces écorces cachent tout en révélant simultanément sa splendeur. Chaque sefira est à la fois féminine et masculine en ce qu'elle la donne, qu'elle la retransmet aux autres. L'arbre séfirotique n'est pas un symbole clos mais opératif, dynamique, circulatoire. " Est mort celui qui ne transmet plus, qui ne fait que recevoir et qui explose littéralement (brisure des vases) "(6).

En donnant, l'homme continue de recevoir : c'est la bénédiction divine. Etre béni, c'est avoir réalisé les dix sefirots dans leur perfection en distinguant dans toute manifestation ce qui relève de la rigueur et de la générosité (din/héssèd), et en faisant tsimtsoum en son esprit. Dans cette attitude du juste (tsadiq), l'homme devient l'Adam Qadmon primordial qui unit le ciel et la terre. En effet, les trois axes se réunissent en haut dans la sefira kéter (la couronne) qui est le pôle céleste et en bas dan la sefira malkhout (le royaume) qui est le pôle terrestre. En se faisant trois en un, part l'action du meqoubal, la présence divine se manifeste.

Correspondances avec la symbolique rectoversée

Si l'on établit des correspondances entre cette configuration séfirotique à trois colonnes et la construction rectoversée, on sera surpris de constater combien les symboliques des colonnes de droite et de gauche correspondent aux symboliques respectives des verso et recto virtuels de la Rectoversion. Ceux qui connaissent la symbolique rectoversé remarqueront à juste titre que celle-ci associe le recto virtuel à la ligne rectiligne (droite) tandis que le verso virtuel est associé à la ligne curviligne (gauche).

C'est pourquoi il importe de préciser que la triple configuration séfirotique est envisagée depuis le point de vue de l'homme, placé en face comme devant un miroir, si bien que ce qui est à droite pour lui est à gauche d'Elohim. Ainsi, la colonne dite de gauche est en fait la colonne de droite et la colonne dite de droite est en fait la colonne de gauche, puisque l'arbre séfirotique n'est pas d'origine humaine mais divine. Si l'on tient compte de ce fait, les correspondances avec la Rectoversion en sont d'autant plus étonnantes.

© Alexandre L'Hôpital-Navarre

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(1) Marc-Alain Ouaknin, " Les mystères de la Kabbale " , Ed. Assouline, 2000.
(2) Ibid.
(3)Ibid.
(4) Cité par M.A.Ouaknin, Ibid.
(5) Fabrice Bianchi
(6) Marc-Alain Ouaknin, Ibid.

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