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)
Dans ce contexte, l'activité du peintre
consistant à interroger le verso, à aller toujours
au-delà du recto, est une activité tout à fait
légitime car inhérente à la nature essentielle
de l'art : celle de rendre visible l'invisible, fonction que nous
pourrions aussi décrire comme " traduire, manifester
l'esprit dans la forme ".
Il
ne s'agit pas de faire soit une imitation, une copie conforme de
la nature (sensitive, rationnelle), soit du " pur esprit ",
et d'osciller inlassablement entre fétichisme et illusionnisme.
Le geste artistique est un geste de réunification, de résolution
des oppositions, et c'est par ce geste que l'on reconnaît
enfin que ce qui paraissait duel, séparé, ne l'est
en fait qu'en mode apparent, illusoire.
"
D'une façon générale, le dualisme a pour
caractère distinctif de s'arrêter à une opposition
entre deux termes positifs ou négatifs particuliers, opposition
qui, sans doute, existe bien réellement à un certain
point de vue, et c'est la part de vérité que renferme
le dualisme ; mais, en déclarant cette opposition irréductible
et absolue, au lieu qu'elle est toute relative et contingente, il
s'interdit d'aller au-delà des deux termes qu'il a posés
l'un en face de l'autre, et c'est ainsi qu'il se trouve limité
par ce qui fait son caractère de système. "
(1)
Nous
comprenons que l'enfermement dans la dualité, signe majeur
des Temps Modernes, s'accompagne d'une affirmation exclusive de
l'individuel (jusqu'à sa multiplication quantitative et "demos"-
cratique dans la masse indifférenciée), et, corrélativement,
de la négation de l'Esprit. Inversement, " c'est
précisement dans la négation de tout principe supra-individuel
que consiste vraiment l'individualisme " (2) ; une uniformisation
quantitative de l'être humain sur le modèle dualiste
de l'individu
(
)
Les
exemples récents du marxisme (matérialisme historique,
dictature du prolétariat) et ceux dérivés du
freudisme (théorie de l'inconscient) parlent d'eux-mêmes.
Ils avaient tout au moins le mérite de prendre en compte
une notion bipolaire qui semble maintenant s'être définitivement
effacée dans le contre-visage pseudo androgyne et uniforme
d'un recto universel, monisme extrême-occidental du Crépuscule
des Dieux.
Combattre
l'ego dans sa dynamique duelle et conflictuelle, c'est justement
donner au dualisme une réalité qu'il n'a pas intrinsèquement.
Mais refuser cette dualité revient à recréer
une autre dualité, à renforcer l'ego. L'attitude spirituelle
consiste à ne pas la nier, à ne pas la fuir, mais
en même temps, à ne pas s'y attacher, à ne pas
l'alimenter. Ce point de vue créé par la tension va
libérer la conscience au-delà de la contradiction
apparente. De la guerre extérieure qui cherche l'adversaire
en dehors de soi, nous retournons à la guerre intérieure,
nous rentrons dans notre propre cercueil pour y ressortir par les
yeux. " S'auto-vomir, c'est aussi ça la Méthode
".(3)
(
)
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© Alexandre L'Hôpital-Navarre
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(1)
René Guénon, " Introduction générale
à l'étude des doctrines hindoues "
(2) René Guénon, Diorama filosofico.
(3) Léo Ferré : La Méthode.
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Extrait
de " Métaphysique de la Rectoversion", ALN, ADAP,
2002, page 27 & 28.
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