RECTOVERSION, AN 10 DE L'AN 10.000

LE JOURNAL

numéro 4 - décembre 2004

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Religion, laïcité et spiritualité*
par Philippe Contal

A l'échelle globale le phénomène religieux est loin d'être homogène. En effet, nous ne pouvons qu'être surpris par la différence entre l'apparent désintérêt pour la religion qui se manifeste en France et les mouvements évangéliques qui rassemblent des millions d'adeptes et produisent aujourd'hui des Organisation Non Gouvernementales dont les budgets dépassent certains états. Les protestants évangélistes seraient 100 à 200 millions, les pentecôtistes 150 à 300 millions, les nouveaux mouvements religieux issus des religions orientales 100 à 300 millions (1).

Ces chiffres effarants ajoutent un degré d'incompréhension face à l'anticléricalisme incontestable depuis plus de quarante ans en Europe et plus particulièrement en France, avec son corollaire très hexagonal : le débat sur la laïcité. L'étude plus approfondie de ce renouveau de l'engagement religieux fait par ailleurs apparaître une surprenante dimension de l'irrationnel (2).

Aux progrès de la science, univers qui se voudrait rigoureux et objectif, s'oppose la montée en puissance de l'irrationalité religieuse. Au délitement des institutions religieuses (nombre d'églises et chapelles ne sont même plus visitées par les religieux), s'opposent les O.N.G. transnationales. A la libération spirituelle devant nous affranchir du carcan institutionnel s'opposent les extrémismes religieux qui vont jusqu'à légitimer des suicides et des actions militaires.

La tentation est grande de simplifier la question en opposant de manière schématique l'Europe et le Nouveau Continent. Mais cette vision réductrice a-t-elle un sens ? Tout d'abord, nous ne pouvons retenir une vision qui occulte purement et simplement le reste du monde, soit tout de même près de 80 % de la population terrestre ! D'autre part, opposer des manifestations différentes d'un même phénomène ne fait qu'ajouter une séparation arbitraire à une unicité incontestable : l'Homme.

En effet, en approfondissant la situation, nous ne pouvons manquer de souligner l'éternel besoin qu'a l'homme de répondre aux questions métaphysiques. Le progrès de la science n'a pas résolu la question de Dieu. Certains scientifiques ont tout simplement écarté le problème, pensant du même coup l'avoir résolu. Depuis que l'homme peuple la terre, son devenir au-delà de sa mort physique et sa place dans l'univers occupent une place importante dans ses préoccupations. Et même si l'environnement quotidien tend à en réduire la proportion, ces incertitudes envahissent de toute manière chacun d'entre nous lorsque nous sommes confrontés à la disparition d'un proche ou à notre propre vieillissement. Les questions spirituelles font partie de l'Homme, consciemment ou non. Les multiples voiles qu'il place entre lui et cette réalité, par ses occupations quotidiennes le plus souvent sans réelle consistance, ne font que lui donner l'illusion de pouvoir s'affranchir de ce qu'il est, mais ne résolvent en rien la question.

D'autre part, si les réponses à ces interrogations semblent très différentes selon les lieux et les couches socioculturelles étudiées, force est de constater que cela ne fait que traduire l'incapacité des mouvements religieux à réellement répondre à nos questions. Et pour cause... Dès lors qu'un cheminement personnel cherche à devenir un message universel, on se trouve face à un intégrisme qui voudrait convertir ou éliminer. Nous ne pourrions faire ici une liste exhaustive des multiples exemples dont l'histoire humaine fourmille, mais nous ne pouvons non plus oublier les phénomènes tels que l'Inquisition, les croisades, le djihad ou les récentes péripéties du gouvernement chinois face à Falungong (3)... encore que la qualification d'hérétique soit toute relative : des organisations qualifiées de sectaires dans certains pays sont tolérées et ouvertes dans d'autres. Ce seul point mérite d'ailleurs réflexion.

En y regardant de plus près, nous ne pouvons que prendre conscience des multiples formes d'un phénomène récurrent et global : la quête spirituelle et l'absence de réponse de la part des institutions. Plutôt qu'absence, devrions-nous parler de multitude ? Mais cela ne change pas la situation.

Nous voici donc - en partie - réconciliés avec ces apparentes oppositions des religions dans le monde. Mais avons-nous seulement pris conscience de ce que cela implique réellement ? Avons-nous mesuré à quel point le travail est encore long pour accepter la différence avec l'Autre ? Avons-nous accepté de ne voir dans nos certitudes que réalités relatives et personnelles ?

© Philippe Contal

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* La lettre du héraut des terres cathares - n° 15 - décembre 2004.

(1) Sciences Humaines, no 155, décembre 2004, "Le retour des messianismes", Laurent Testot.
(2) La dernière croisade, les fous de Dieu version américaine, Barbara Victor, éditions Plon, 2004.
(3) Au-delà de l'information "officielle", effectuez des recherches sur Falungong. Vous trouverez une quantité d'informations contradictoires. Une chose est certaine : communication rime souvent avec mensonge...

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