A
l'échelle globale le phénomène religieux est
loin d'être homogène. En effet, nous ne pouvons qu'être
surpris par la différence entre l'apparent désintérêt
pour la religion qui se manifeste en France et les mouvements évangéliques
qui rassemblent des millions d'adeptes et produisent aujourd'hui
des Organisation Non Gouvernementales dont les budgets dépassent
certains états. Les protestants évangélistes
seraient 100 à 200 millions, les pentecôtistes 150
à 300 millions, les nouveaux mouvements religieux issus des
religions orientales 100 à 300 millions (1).
Ces chiffres effarants ajoutent un degré d'incompréhension
face à l'anticléricalisme incontestable depuis plus
de quarante ans en Europe et plus particulièrement en France,
avec son corollaire très hexagonal : le débat sur
la laïcité. L'étude plus approfondie de ce renouveau
de l'engagement religieux fait par ailleurs apparaître une
surprenante dimension de l'irrationnel (2).
Aux
progrès de la science, univers qui se voudrait rigoureux
et objectif, s'oppose la montée en puissance de l'irrationalité
religieuse. Au délitement des institutions religieuses (nombre
d'églises et chapelles ne sont même plus visitées
par les religieux), s'opposent les O.N.G. transnationales. A la
libération spirituelle devant nous affranchir du carcan institutionnel
s'opposent les extrémismes religieux qui vont jusqu'à
légitimer des suicides et des actions militaires.
La
tentation est grande de simplifier la question en opposant de manière
schématique l'Europe et le Nouveau Continent. Mais cette
vision réductrice a-t-elle un sens ? Tout d'abord, nous ne
pouvons retenir une vision qui occulte purement et simplement le
reste du monde, soit tout de même près de 80 % de la
population terrestre ! D'autre part, opposer des manifestations
différentes d'un même phénomène ne fait
qu'ajouter une séparation arbitraire à une unicité
incontestable : l'Homme.
En
effet, en approfondissant la situation, nous ne pouvons manquer
de souligner l'éternel besoin qu'a l'homme de répondre
aux questions métaphysiques. Le progrès de la science
n'a pas résolu la question de Dieu. Certains scientifiques
ont tout simplement écarté le problème, pensant
du même coup l'avoir résolu. Depuis que l'homme peuple
la terre, son devenir au-delà de sa mort physique et sa place
dans l'univers occupent une place importante dans ses préoccupations.
Et même si l'environnement quotidien tend à en réduire
la proportion, ces incertitudes envahissent de toute manière
chacun d'entre nous lorsque nous sommes confrontés à
la disparition d'un proche ou à notre propre vieillissement.
Les questions spirituelles font partie de l'Homme, consciemment
ou non. Les multiples voiles qu'il place entre lui et cette réalité,
par ses occupations quotidiennes le plus souvent sans réelle
consistance, ne font que lui donner l'illusion de pouvoir s'affranchir
de ce qu'il est, mais ne résolvent en rien la question.
D'autre
part, si les réponses à ces interrogations semblent
très différentes selon les lieux et les couches socioculturelles
étudiées, force est de constater que cela ne fait
que traduire l'incapacité des mouvements religieux à
réellement répondre à nos questions. Et pour
cause... Dès lors qu'un cheminement personnel cherche à
devenir un message universel, on se trouve face à un intégrisme
qui voudrait convertir ou éliminer. Nous ne pourrions faire
ici une liste exhaustive des multiples exemples dont l'histoire
humaine fourmille, mais nous ne pouvons non plus oublier les phénomènes
tels que l'Inquisition, les croisades, le djihad ou les récentes
péripéties du gouvernement chinois face à Falungong
(3)...
encore que la qualification d'hérétique soit toute
relative : des organisations qualifiées de sectaires dans
certains pays sont tolérées et ouvertes dans d'autres.
Ce seul point mérite d'ailleurs réflexion.
En
y regardant de plus près, nous ne pouvons que prendre conscience
des multiples formes d'un phénomène récurrent
et global : la quête spirituelle et l'absence de réponse
de la part des institutions. Plutôt qu'absence, devrions-nous
parler de multitude ? Mais cela ne change pas la situation.
Nous
voici donc - en partie - réconciliés avec ces apparentes
oppositions des religions dans le monde. Mais avons-nous seulement
pris conscience de ce que cela implique réellement ? Avons-nous
mesuré à quel point le travail est encore long pour
accepter la différence avec l'Autre ? Avons-nous accepté
de ne voir dans nos certitudes que réalités relatives
et personnelles ?
©
Philippe Contal
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*
La lettre du héraut des terres cathares - n° 15 - décembre
2004.
(1)
Sciences Humaines, no 155, décembre 2004, "Le retour
des messianismes", Laurent Testot.
(2) La dernière croisade, les fous de Dieu version américaine,
Barbara Victor, éditions Plon, 2004.
(3) Au-delà de l'information "officielle", effectuez
des recherches sur Falungong. Vous trouverez une quantité
d'informations contradictoires. Une chose est certaine : communication
rime souvent avec mensonge...
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