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Alors que l'Église communique sur la multiplication des grands
rassemblements chrétiens, que l'on s'imagine toute la jeunesse
musulmane se réunit dans des mosquées pour prêcher
le jihad et que l'on e demande si une certaine élite n'est
pas en train de massivement tourner bouddhiste, la réalité
est bien différente puisque les statistiques montrent que
l'audience des religions continue de baisser.
...(...)...
Peut-être que le renforcement général de la
foi trouve aujourd'hui plus volontiers sa place à l'extérieur
qu'à l'intérieur du cadre de la religiosité
organisée. Cela étant, cette foi qui explose chez
les "sans-religions" conserve, dans la majorité
des cas, les mêmes objets que dans les religions. Le jeune
Européen sans religion croit avant tout à une vie
après la mort, au paradis ou à la réincarnation,
au diable ... et tout de même un peu aussi à Dieu.
Finalement, la différence ne se situe guère que dans
le fait qu'il a décidé par lui-même de croire
à toutes ces choses plutôt que de s'être laissé
imposer des croyances par le curé ou le pasteur du village
et leur catéchisme.
Au
constat de l'insécurité actuelle et du déséquilibre
écologique, du terrorisme et de la criminalité, on
comprend que la crainte flottante d'une fin subite autant qu'inattendue
puisse motiver, chez certains, l'adhésion aux vieilles croyances
qui ont fait leur preuve, sans qu'il soit pour autant nécessaire
de s'embrigader dans des institutions contraignantes et depuis longtemps
décrédibilisées. D'aucuns penseront sans doute
qu'une telle foi n'est encore ni très profonde ni très
authentique... Mais après tout, la crainte a souvent servi
d'amorce à la spiritualité ; l'essentiel est de la
dépasser...(...)...
Transcendance
et psychopathologie
L'expérience
transcendantale est toujours spontanée, même lorsqu'elle
semble être le fruit de longues méditations ou d'une
vie entière de pratique religieuse ; mais, lorsqu'elle apparaît
chez des individus dénués de toute religiosité,
l'absolu qui s'en dégage est alors plus impérieux.
Autrefois,
il arrivait que l'homme du peuple connaisse d'impromptu une forme
d'extase mystique. Mais alors, le Chrétien avait des visions
de Jésus, l'Hindou de Krishna, le Musulman d'Ali ou de Mohamed,
et tous étaient persuadés qu'ils avaient enfin été
touchés par la main du Dieu unique, car ses expériences
transcendantales étaient culturellement canalisées
par des concepts théologiques. Mais ce que démontrent
les expériences transcendantales actuelles, c'est que le
mental n'a absolument plus besoin de la religiosité pour
rencontrer le Soi spirituel. Tout porterait même à
croire que la culture, en expulsant aussi radicalement toute spiritualité,
provoque, chez certains individus, des réactions d'angoisse
et d'insatisfaction profonde qui sont autant de moteurs à
l'interrogation métaphysique ... ou à la névrose.
De
nos jours, l'ego, semble, d'une certaine manière, présenter
des signes d'usure. La désagrégation de structures
familiales et sociales conventionnelles entraîne un manque
de cohésion de la structure égocentrique du mental
chez de nombreux individus, qui par conséquent, deviennent,
plus réceptifs au non-moi. Or, il existe deux sortes de non-moi
; un premier, relatif, comme par exemple l'Anima, qui est le non-moi
de l'individu mâle identifié à son Animus ;
et un second, absolu, qui est le Soi ... tout au moins tel que le
moi refuse habituellement de le ressentir.
Toute
défaillance structurelle du moi provoque donc une réceptivité
spontanée au non-moi. La défaillance de l'Animus entraîne
une réception à l'Anima, assurément de plus
en plus fréquente chez la gente masculine occidentale. Quant
aux défaillances plus fondamentales encore, elles peuvent
dévoiler le réel transcendant qui, s'il est reconnu
comme tel, sera vécu comme une illumination, et sinon comme
un délire psychotique.
Nul
n'ignore, malheureusement, que la psychopathologie connaît
une augmentation constante, voire exponentielle ; depuis quelques
décennies et que la composante mystique accompagne une écrasante
majorité de cas. Avec un peu d'humour, on pourrait donc regretter
que la société occidentale, en tuant Dieu, ne l'ait
pas achevé proprement ... N'a-t-elle pas, finalement, engendré
un style de misère ontologique débouchant sur des
expériences paroxystiques chaotiques et violentes ? Ainsi,
les malheureux qui ont eu la chance de rencontrer le spirituel,
mais sans pouvoir le reconnaître, ont-ils trouvé, auprès
des autorités compétentes, le réconfort d'une
camisole de force. Françoise Dolto disait que les murs des
asiles enfermaient une grande part de l'élite de l'humanité
et nombre de psy pensent aujourd'hui que nos hôpitaux psychiatriques
sont pleins de gens qui, aux Indes, seraient considérés
comme des saints ...
Même
sans sombrer dans la folie, beaucoup d'entre eux qui reconnaissent
l'esprit comme tel, mais ne savent pas comment se comporter face
à l'irruption de cette Conscience tellement plus large, gâchent
souvent leurs forces spirituelles...(...)... A l'inverse de l'exaltation
traditionnelle d'un Perceval qui, dans son ignorance et sa naïveté
juvénile, confondait la tente d'une Damoiselle avec la Maison
de dieu, le contemporain non-initié aurait tendance à
douter de la réalité de l'expérience spirituelle,
dans la mesure où elle n'est, précisément,
pas conforme à ce que l'on appelle "la réalité"
à notre époque.
Dialogue
ou unité
C'est
là, de toute évidence, un effet pervers du manque
de référence traditionnelle, de l'absence de religion.
C'est pourquoi, même si, les religions sont la cause de nombreux
maux, de drames et de guerres dans le monde, même si elles
falsifient le message de la Tradition et s'opposent bien souvent
à la spiritualité authentique, leur suppression pure
et simple est considérée par certains, sans doute
à juste titre, comme un remède pire que le mal.
Pour
préserver la religion sans tomber dans l'intégrisme,
d'aucuns proposent le dialogue inter-religieux ...(...)... Mais
les adeptes du dialogue inter-religieux et ceux de l'unité
transcendante des religions ressemblent plus à des adversaires
qu'à des compagnons de route...(...)... On se demande si
le désir de dialogue est bien honnête, et si ce regroupement
des forces de la religiosité ne correspondrait pas plutôt
à une offensive du désespoir contre la désaffection
grandissante des temples et des églises au profit d'un matérialisme
mondial.»
©
Jean-Claude Cartier **
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Extrait de la revue Monades n°6, janvier-février 2004,
"Déclin
des religions et psychopathologies",
site http://www.monades.info
* * Jean-Claude Cartier ne fait pas parti du mouvement rectoversion.
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