RECTOVERSION, AN 10 DE L'AN 10.000

LE JOURNAL

numéro 4 - décembre 2004

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La spiritualité post-moderne II :
Dialogue inter-religieux ou religion mondiale*
par Jean-Claude Cartier**

« Dans son livre "Dieu et la révolution du dialogue", Jean Mouttapa rappelle que "toutes les grandes religions du monde se sont créées contre les autres". Pourtant le dialogue inter-religieux semble bien engagé. "Un processus est en marche", précise encore Jean Mouttapa, "qui fera bientôt du dialogue avec la foi des autres une des données centrale de l'expérience religieuse".

Il y a, dans la spiritualisation de l'humain, une phase, qui apparemment doit correspondre au désir de créer ou d'adhérer à une religion, où se ressent très fortement la nécessité de penser que sa voie est la seule valable et que les autres ne relèvent, forcément, que de l'œuvre du démon. Est-ce pour renforcer sa foi ou tout simplement pour assurer à sa communauté un certain pouvoir à l'extérieur et une suffisante cohésion interne que l'on est prêt à partir en guerre contre le reste du monde? Toujours est-il que, jusqu'à présent, appartenir à une religion impliquait généralement de se défier ou de se moquer des autres, mais en aucun cas de les étudier avec impartialité et intérêt.

Il était donc grand temps que tout cela change, car ces comportements, compréhensibles mais néanmoins infantiles, commençaient à desservir l'image des religions instituées et à entraîner certaines d'entre elles sur la pente fatale de la désaffection. D'autant que l'intérêt pour la spiritualité ne cessant de croître, bien des gens s'informent des différentes Traditions, lisent les maîtres et se forgent leur propre opinion, quand ce n'est pas leur propre religion...(...)...

La révolution du dialogue inter-religieux est donc en marche, mais de manière relativement invisible car les médias préfèrent évidemment faire leur une avec le conflit israélo-palestinien plutôt qu'avec les amitiés qui se nouent, ici ou là, entre des juifs et des musulmans. Quant aux autorités religieuses et à leurs tentatives de réunions œcuméniques, elles planent trop au-dessus des réalités humaines pour permettre un véritable renouveau spirituel, une révolution des consciences...(...)...

Cependant, la tension inter-religieuse est actuellement au moins aussi forte que les tentatives de dialogue...(...)... ce ne sont pas tant les résurgences du passé qui semblent le plus perturber les adeptes du dialogue inter-religieux, mais bien ce qui constitue pour eux le grand danger : la religiosité mondialiste, sans identité ethnique.
Cette religion mondiale sans nom ne constitue cependant une entité à part entière que pour ses adversaires car, observée d'un peu plus près et sans parti pris, elle s'avère extrêmement disparate. On y trouve le fameux mouvement new age, ainsi que diverses tendances plus ou moins spiritualistes, telles que celle consistant à essayer diverses voies traditionnelles, de préférence exotiques, sans jamais se fixer, et enfin cette espèce de syncrétisme post-moderne tant critiqué par les adeptes de religions instituées...Voire "l'intégration" chère à Douglas Harding.

La nostalgie de l'âge d'or

Le new age, même s'il se complet dans le multiculturel, n'a pas grand rapport avec la spiritualité. Créée à la fin des années soixante-dix par quelques hippies Californiens qui ne voulaient pas s'avouer vaincus, l'appellation "new age", ou nouvel âge, désigne l'ère astrologique du verseau, où nous entrons, censée représenter un tournant essentiel dans l'histoire de l'humanité dans la mesure où le symbolisme de ce signe implique l'accession à une conscience plus spirituelle et à un sens de la communauté accru...(...)...

Mais on chercherait en vain la plus petite trace d'idéologie directrice. Aucune définition précise du mouvement, de ses buts réels, de ses moyens, ne permet à quiconque de savoir s'il en est ou non. Il est d'ailleurs amusant de constater que la plupart des adeptes du mouvement new age condamne ouvertement le mouvement new age ... On retrouve le même phénomène dans les sectes...(...)...

Du vagabondage au syncrétisme

...(...)... De tout temps, le chercheur débutant a eu le choix entre deux erreurs aussi grossières qu'inévitables : l'enferment dans une religion ou une secte exclusive, ou, au contraire, le vagabondage de l'une à l'autre....(...)... Globalement, il existe des méthodes visant à remettre de l'ordre dans le psychisme en vue d'obtenir un moi, meilleur, et des techniques dites d'éveil dont l'objectif est de relativiser ce psychisme et soutenir sa dissolution lorsque le temps est venu de le faire. En conséquence, user de techniques pouvant disloquer brutalement la cohérence chèrement acquise de l'ego, si l'on désire nullement lâcher prise, conduit inévitablement à de fâcheuses conséquences sur la santé mentale.

Autre tendance à la mode, le syncrétisme, obligatoirement à l'œuvre en ces temps de métissages, consiste à combiner différentes doctrines. Là encore, rien de nouveau puisque le syncrétisme a toujours été le principal tuteur de l'évolution de la religiosité... en même temps que l'ennemi juré des religions instituées...(...)...

Spiritualité ou barbarie

Indéniablement, ce que craint tout adepte d'une religion, c'est que cette religion disparaisse, car elle représente son ego de sublimation. Qu'il se rassure, tant qu'il lui reste attaché, elle ne disparaîtra pas avant lui. Mais actuellement, après un siècle de matérialisme forcené, la spiritualité non organisée telle que l'annonçait Krishnamurti semble menacer beaucoup de religions. Alors, pour poursuivre, elles tentent le dialogue inter-religieux qui n'est, en fait, qu'une adaptation, sympathique mais finalement très politique, à la tendance générale d'universalisation de la spiritualité...(...)...

Enfin, on est en droit de s'interroger, aujourd'hui plus que jamais, sur la nécessité d'une appartenance religieuse ou la présence d'un maître. Sans doute, la majorité a-t-elle besoin d'une aide extérieure, mais tout individu recèle en lui-même son propre Guru, et l'on sait que c'est le seul véritable Guru. "Certains chercheurs de la Vérité veulent avancer sans gourou", disait Ma Ananda Moyi, "car dans leur Voie l'accent est mis sur l'action personnelle, sur le fait qu'ils ne doivent compter que sur leurs propres efforts. Dans le cas d'une personne qui accomplit une sadhana sous l'impulsion d'une aspiration intense et qui compte sur ses propres forces, l'Etre Suprême se révélera Lui-même d'une manière spéciale, du fait de l'intensité de cet effort individuel. Sans aucun doute, ce pouvoir du gourou peut œuvrer d'une façon spéciale par la confiance en soi, de sorte que tout enseignement extérieur n'est plus nécessaire."

Qu'adviendra-t-il, demain? Nul ne peut le dire, mais chacun peut prendre son pari. Certains prennent celui d'une mutation, par le dialogue dans les religions, leur assurant une continuité. D'autres parient sur une individualisation croissante de la recherche spirituelle avec une libre référence aux diverses Traditions du monde. D'autres, enfin, croient à l'établissement d'une Tradition mondiale née du syncrétisme final, celui de la fin du temps des Traditions divisées. Quelle que soit la solution pour laquelle optera l'histoire, on ne peut qu'espérer qu'elle coïncidera avec la perte de vitesse des intégrismes et des archaïsmes, et que la réponse spirituelle sera adaptée au monde tel qu'il est déjà aujourd'hui et sera encore demain.»


© Jean-Claude Cartier **

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* Extrait de la revue Monades n°6, janvier-février 2004, "Dialogue inter-religieux ou religion mondiale",
site http://www.monades.info
** Jean-Claude Cartier ne fait pas parti du mouvement rectoversion.

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