RECTOVERSION, AN 10 DE L'AN 10.000

LE JOURNAL

numéro 4 - décembre 2004

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Les mots sont des béquilles*
par Michel De Caso

« J'écris autrement que je ne parle,
je parle autrement que je ne pense,
je pense autrement que je ne devrais penser,
et ainsi de suite jusqu'au plus profond de l'obscurité.»
Frank Kafka (1883-1924)

Certes, d'aucuns insisteront sur l'aspect sombre de cette formule kafkaïenne ; pourtant, quand on a admis une fois pour toute qu'il est vain et illusoire de nier l'aspect obscur de l'être humain, la formule de Kafka retrouve sa plénitude, même si cette plénitude est toute paradoxale, fragile et fugace, comme le sont d'ailleurs les êtres humains et tant de choses sur cette terre.

« Lumière et ténèbres, vie et mort,
droite et gauche, sont frères et soeurs.
Ils sont inséparables.
C'est pourquoi la bonté n'est pas seulement bonne,
la violence seulement violente,
la vie seulement vivifiante,
la mort seulement mortelle...
»
Evangile de Philippe, extrait logion 9.

Ici, nous aurons sans doute droit au déni des adeptes des lois canoniques qui rejetteront en bloc la pertinence de cette réflexion, prétendant qu'elle est extraite d'un évangile dit apocryphe. Pourtant, répétera-t-on inlassablement que rien n'est vraiment blanc ou noir et une telle constatation ne peut être exclusivement réservée à la métaphysique orientale. Nous connaissons bien "chez nous" l'histoire du bambou qui courbe mais qui ne cède pas ? Les exemples de faire le mal au nom du bien sont aussi légion ; il n'y a qu'à se servir, dans le passé ou dans le présent. Le paradoxe fait partie de la vie, c'est ainsi.

« Les mots que nous mettons sur les réalités terrestres entraînent l'illusion,
ils détournent le cœur de ce qui est Réel vers ce qui n'est pas Réel,
celui qui entend le mot "Dieu" ne saisit pas le Réel, mais une illusion ou une image du Réel...
»
Evangile de Philippe, extrait logion 11.

Les mots sont des béquilles, les images des illusions, les pensées des constructions ; mais, à défaut, ceux-ci nous tiennent debout, là est le paradoxe et là est l'essentiel. Assurément, le réel est infiniment plus complexe que l'appréhension que nous en avons. Et pourtant, encore une fois, le paradoxe veille. En effet, le réel, compris comme celui auquel nous pouvons avoir accès, malgré sa partialité, finit tout de même par nous imposer ses lois. Nous sommes souvent en ce domaine plus spectateurs qu'acteurs mais la nature (ou Dieu ou... ?, peu importe) nous a pourvu de sens, d'un mental et d'une conscience suffisamment puissants pour nous faire croire à la maîtrise de telles perceptions.

Pensez à l'enfant qui est encore dans le ventre de sa mère. Comment pourrait-il avoir une perception satisfaisante du monde dans lequel sa mère évolue ? Et si nous étions quelque part comme l'enfant dans le ventre de sa mère ?

Que cela ne vous empêche pas de vous réveiller !

© Michel De Caso

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* Texte passé dans le club.cathares.org en novembre 2004.

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