«
J'écris autrement que je ne parle,
je parle autrement que je ne pense,
je pense autrement que je ne devrais penser,
et ainsi de suite jusqu'au plus profond de l'obscurité.»
Frank Kafka (1883-1924)
Certes,
d'aucuns insisteront sur l'aspect sombre de cette formule kafkaïenne
; pourtant, quand on a admis une fois pour toute qu'il est vain
et illusoire de nier l'aspect obscur de l'être humain, la
formule de Kafka retrouve sa plénitude, même si cette
plénitude est toute paradoxale, fragile et fugace, comme
le sont d'ailleurs les êtres humains et tant de choses sur
cette terre.
«
Lumière
et ténèbres, vie et mort,
droite et gauche, sont frères et soeurs.
Ils sont inséparables.
C'est pourquoi la bonté n'est pas seulement bonne,
la violence seulement violente,
la vie seulement vivifiante,
la mort seulement mortelle...»
Evangile de Philippe, extrait logion 9.
Ici,
nous aurons sans doute droit au déni des adeptes des lois
canoniques qui rejetteront en bloc la pertinence de cette réflexion,
prétendant qu'elle est extraite d'un évangile dit
apocryphe. Pourtant, répétera-t-on inlassablement
que rien n'est vraiment blanc ou noir et une telle constatation
ne peut être exclusivement réservée à
la métaphysique orientale. Nous connaissons bien "chez
nous" l'histoire du bambou qui courbe mais qui ne cède
pas ? Les exemples de faire le mal au nom du bien sont aussi légion
; il n'y a qu'à se servir, dans le passé ou dans le
présent. Le paradoxe fait partie de la vie, c'est ainsi.
«
Les mots
que nous mettons sur les réalités terrestres entraînent
l'illusion,
ils détournent le cur de ce qui est Réel vers
ce qui n'est pas Réel,
celui qui entend le mot "Dieu" ne saisit pas le Réel,
mais une illusion ou une image du Réel...»
Evangile de Philippe, extrait logion 11.
Les
mots sont des béquilles, les images des illusions, les pensées
des constructions ; mais, à défaut, ceux-ci nous tiennent
debout, là est le paradoxe et là est l'essentiel.
Assurément, le réel est infiniment plus complexe que
l'appréhension que nous en avons. Et pourtant, encore une
fois, le paradoxe veille. En effet, le réel, compris comme
celui auquel nous pouvons avoir accès, malgré sa partialité,
finit tout de même par nous imposer ses lois. Nous sommes
souvent en ce domaine plus spectateurs qu'acteurs mais la nature
(ou Dieu ou... ?, peu importe) nous a pourvu de sens, d'un mental
et d'une conscience suffisamment puissants pour nous faire croire
à la maîtrise de telles perceptions.
Pensez
à l'enfant qui est encore dans le ventre de sa mère.
Comment pourrait-il avoir une perception satisfaisante du monde
dans lequel sa mère évolue ? Et si nous étions
quelque part comme l'enfant dans le ventre de sa mère ?
Que
cela ne vous empêche pas de vous réveiller !
©
Michel De Caso
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Texte passé dans le club.cathares.org
en novembre 2004.
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