Fabrice
Bianchi a relevé ce qu'écrivait Roger Vitrac* en 1927:
« Constatons d'abord que certains peintres, parmi lesquels
je place Picasso et Chirico au premier rang, ont rendu impossible
toute critique de leurs uvres. Leur art réside tout
entier dans la révélation. Leurs tableaux ne sont
pas faits pour être vus, ils le sont pour apparaître.
Il s'en suit que les décrire ou les apprécier aboutit
à en changer la destination, à créer une pataphysique
ou une mythologie imprévues, semblable à celles qui
permettaient d'interpréter par des mécaniques ou des
figures singulières l'image du ciel étoilé.
Je n'admets même pas qu'on les raconte comme un rêve.
Il faudra de rendre soi-même à leur théâtre,
et les subir. Et si l'on demande: Faudra-t-il les comprendre? Et
comment les comprendrons-nous? On répondra, selon Rimbaud
: littéralement et dans tous les sens ...(...)...
Ainsi s'affirme la magie de la création. Les causes, les
moyens demeurent indiscernables et tout ce qui mérite de
s'accomplir le fait par les ténèbres mêmes de
l'homme, dans cette obscurité qui est la lumière des
gouffres. Le reste n'est que jeu, escamotage ou illusion.
La
lumière est ici ce feu surnaturel que dirigent les hommes
pures. Elle n'est plus fonction de son essence, elle n'est pas essentielle
: elle prend tous les aspects. Je m'étonne que les impressionnistes
lui aient assigné ce rôle cellulaire qui fait un arlequin
du réel. Si l'il fait la synthèse, il faut que
l'esprit en subisse un écho divin. Est haïssable tout
ce qui se limite aux sens. La véritable élévation
s'accomplit par les degrés du coeur, des nerfs et du cerveau.
Le ciel est au dessus.
A cette duperie d'un paysage détourné de la nature
par la voie des couleurs s'associent de multiples interprétations
d'un ordre lourdement intellectuel . Or, ceux qui brûlent
cette étape intellectuelle et dirigent l'émotion dans
le domaine raréfié de la métaphysique, ceux-là
seuls atteignent à cette inquiétude sans laquelle
tout se dénoue dans la médiocrité et la misère.»
©
Roger Vitrac*
On
peut rapprocher de l'analyse de Vitrac les propos suivants :
Surréalisme,
peinture et magie **
«
La peinture est une évocation, une opération magique
(si nous pouvions consulter là-dessus l'âme des enfants!)
et quand le personnage évoqué, quand l'idée
ressuscitée, se sont dressés et nous ont regardés
face à face, nous n'avons pas le droit - du moins ce serait
le comble de la puérilité - de discuter les formules
évocatoires du sorcier.»
Baudelaire (1821-1867)
«
Pour qu'une oeuvre d'art soit vraiment immortelle, il faut qu'elle
sorte complètement des limites de l'humain.»
André Breton (1896-1966)
«
Privée de toute présence humaine et ne reproduisant
cependant que des éléments fabriqués par l'homme,
la peinture métaphysique de Giorgio De Chirico bâtit
un monde sans arbres, sans paysage, où seule peut vivre la
pensée ; peinture morte ; peinture d'outre-monde ; peinture
d'extra-lucide, qui provoque chez les non-initiés le malaise
de la compréhension insatisfaite.»
Roger Baschet à propos de Giorgio De Chirico (1888-1978)
« L'homme de Lascaux créa de rien ce monde de l'art
où commence la communication des esprits.»
Georges Bataille (1897-1962)
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*
Roger Vitrac (1899 -1952), participe aux débuts du Surréalisme
dans les années vingt, publie d'abord des poèmes aux
images oniriques ("Connaissance de la mort", "Cruautés
de la nuit", 1927). Mais il se brouille avec Breton, et quitte
le mouvement en même temps qu'Antonin Artaud, avec qui il
fonde le Théâtre Alfred-Jarry. Il écrit alors
sa pièce la plus célèbre, "Victor ou les
Enfants au pouvoir", mise en scène par Artaud en 1928,
qui introduit dans un cadre de comédie de boulevard le sens
surréaliste (dérision et provocation) et annonce le
théâtre de l'absurde. Auteur de nombreuses autres pièces
("Le Coup de Trafalgar" 1934, "Le Sabre de mon père"
1951), Vitrac est considéré comme le meilleur réprésentant
du Surréalisme au théâtre.
(extrait de http://www.rabac.com)
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citations extraites de "la
page rectoversée" n°11
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