RECTOVERSION, AN 10 DE L'AN 10.000

LE JOURNAL

numéro 6 - mai 2005

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Santo subito
le tsunami médiatique
par Michel De Caso

Dans le numéro précédent, j'avais consacré un article au terrible tsunami dans l'Asie du sud-Est. On retrouve ici ce mot tsunami à propos de l'embrasement médiatique qui s'est cristallisé autour des obsèques du pape Jean-Paul II. Bien sûr, il ne s'agit pas de comparer en soi les deux événements qui ne sont pas comparables. Il s'agit plutôt de comprendre le mot tsunami comme pouvant nommer un phénomène d'une ampleur planétaire et, à ce titre, il me semble que l'emballement médiatique qui a entouré les obsèques du pape peut bel et bien être considéré comme un tsunami médiatique.

Au-delà de cet aspect médiatique qui est éminemment révélateur de notre société du spectacle, il est difficile de passer sous silence la fameuse prophétie de Malachie qui apparaît, avec l'élection du pape Benoît XVI, d'une singulière actualité. Coïncidence, affabulation, prophétie réelle? Cette approche nous plonge en plein irrationnel mais le fait de juxtaposer l'irrationnel à l'analyse la plus rationnelle ne me paraît pas aberrant, sous réserve d'essayer de ne pas dire n'importe quoi et de ne tomber ni dans les chimères de la raison, ni dans celles de la déraison.


Santo subito, le tsunami médiatique

Les pèlerins qui étaient sur la place St Pierre au moment des obsèques de Jean-Paul II ont demandé sa canonisation immédiate en brandissant des calicots sur lesquels on pouvait lire « santo subito » (saint tout de suite). Déjà, les procès en canonisation s'étaient singulièrement accélérés pour Mère Thérésa puisque celui-ci avait eu lieu seulement dix huit mois après sa mort bien que la constitution apostolique stipule d'attendre cinq ans.

Si la mort d'un pape est en soi un événement important, le compte rendu médiatique extrême qui a entouré cet événement en a fait un événement mondial, un véritable tsunami médiatique pour reprendre l'expression de nombreux chroniqueurs.

Mon propos n'est ici ni de dénigrer Karol Wotjila (Jean-Paul II) ni même l'Eglise catholique. J'interviens pour mettre en exergue combien le décès du pape a été révélateur d'un délire télévisuel et combien l'Eglise catholique semble parfaitement s'accommoder de la dérive cathodique.


Karol Wotjila, un pape au service de l'Eglise

Dans son histoire, l'Eglise catholique a toujours su manier les images et elle n'a jamais hésité à jouer sur des rituels extrêmement visuels. Nous n'avons pas à être surpris qu'elle ait embrassé si facilement la sphère télévisuelle apte à amplifier mondialement son message et ses rites.

C'est depuis Pie XII que l'Eglise romaine considère la télévision comme un moyen privilégié de propagation de l'évangile. Pour les fidèles qui ne peuvent assister physiquement à la messe dominicale et qui souhaitent tout de même communier, les autorités ecclésiastiques les encouragent à assister à la messe à la télévision. Enfin, il faut noter que les médias suivaient depuis longtemps la maladie de Jean-Paul II. Ainsi, même si l'Eglise reconnaît évidemment que la foi traite de la relation intime et si particulière que chacun entretient avec Dieu, elle ne refuse pas d'accompagner son message religieux d'images ou d'icônes appropriées, et quoi de plus actuel que le relais télévisuel.

Ancien acteur de théâtre, Karol Wotjila avait le sens de la mise en scène et de la comédie. L'Eglise avait trouvé en lui un pape à la hauteur de son sens du spectacle. Jean Paul II, en effet, a été en perpétuelle représentation et a effectivement exporté son message sur une scène désormais planétaire. Il faut croire que Karol Wojtila avait trouvé une scène à la hauteur de toutes ses espérances, la scène mondiale. Certains le considéraient comme mystique. C'est probable et on peut penser qu'il était engagé au plus profond de son être dans la certitude de sa foi. Un tel leader sera difficile à remplacer, à la fois très moderne quant à l'utilisation des médias et conservateur sur bien des sujets.

L'Eglise utiliserait-t-elle la manne télévisuelle plus pour ses atouts techniques que par adhésion idéologique à la culture médiatique ? Les réticences traditionnelles de l'Eglise pour les progrès techniques seraient-elles toujours effectives mais mises en veilleuse devant l'efficacité flagrante de la « vidéosphère » (expression de Régis Debray). Il est difficile de répondre à ces questions. Ce qui est sûr, c'est que si l'Eglise ne fait qu'utiliser le monde médiatique pour des raisons stratégiques, cela pose encore une fois la question de la fin et des moyens.

A ce jeu d'identification au spectacle télévisuel, l'Eglise ne risque-t-elle pas d'y perdre son âme ? En d'autres termes, à jouer si parfaitement le jeu du spectacle médiatique, va-t-elle être crédible sur la pertinence de son message ? C'est loin d'être évident et l'emballement médiatique des obsèques de Jean-Paul II pourraient bien masquer les difficultés profondes auxquelles elle est confrontée.


La prophétie de Malachie (1)

Rappelons que si la prophétie de Malachie ou de Saint Malachie (2) est attribuée à un évêque d'Irlande qui naquit en 1094 et décéda à Clairvaux en 1148, elle ne fut publiée qu'en 1595 par Arnold de Wion. Cette prophétie évoque 111 papes depuis Célestin II (1143-1144) à travers 111 devises latines qui sont censées correspondre à chacun des papes. Or, Jean-Paul II était le 110° pape sur la liste de Malachie. Le pape actuel, Benoît XVI, est donc le 111° et la sentence attribuée est : « De gloria Olivae » (De la gloire de l'olivier).

Si l'Eglise de Rome n'a jamais reconnu cette prophétie, elle ne l'a jamais pour autant condamnée. Par ailleurs, il est indéniable que les prélats et tout spécialement Jean-Paul II connaissaient cette prophétie. Serait-ce cette raison qui expliquerait son long règne, poursuivi jusqu'à la mort, malgré la maladie handicapante? Peut-être. Le fait est là que la devise attribuée au 110° pape, c'est-à-dire à Jean-Paul II est : « De labore solis » (Du travail du soleil). On dit que Karol Wojtila (le futur Jean-Paul II) naquit le jour d'une éclipse totale du Soleil (18 mai 1920). On dit aussi qu'il peut être considéré comme une sorte de soleil symbolique qui apportait la lumière du Christ (symbole solaire s'il en est) lors de ses très nombreux voyages à travers le monde. Voyageur infatigable, travailleur acharné, affaibli par la maladie, il est allé littéralement jusqu'au bout de ses forces alors qu'il aurait pu renoncer à sa charge quelques années avant. Cet acharnement était-il motivé par sa conviction profonde de croire en la prophétie de Malachie ?

Il est indéniable que Jean-Paul II a littéralement illuminé le monde de sa lumière alors que l'Eglise de Rome perd régulièrement de son audience. Sa brillance aurait été proportionnée à la chute de l'Eglise de Rome. Le soleil Jean-Paul II aurait tellement ébloui de ses rayons que les réels problèmes de l'Eglise catholique seraient littéralement masqués. Pour que cette alchimie du clair-obscur fonctionne pleinement au profit du clair, il fallait bien que Jean-Paul II exerçât sa mission lumineuse avec une ardeur peu commune. C'est en cela que l'on pourrait dire qu'il fut un travailleur solaire, un soleil laborieux, à qui la devise « De labore solis » pourrait parfaitement convenir, sans parler de son physique et tout spécialement de son visage bien plus solaire que lunaire.

Soyons honnête jusqu'au bout et reconnaissons qu'en toute logique, si les cardinaux croyaient en la prophétie de Saint Malachie, ils auraient dû choisir un pape plus jeune que le cardinal Ratzinger (78 ans) de façon à prolonger au maximum dans le temps le pontificat du 111° pape. Il y a sans doute des raisons qui échappent. Peut-être que la prophétie tient en elle-même la réponse puisque Malachie indique en fait qu'il y aura un autre pape après celui dont la sentence est « De Gloria Olivae » et ce dernier pape, Malachie l'appelle « Petrus Romanus » (Pierre le Romain). C'est sous le pontificat de ce dernier que la papauté prendrait fin et que « le Terrible Juge jugera les peuples »(3).

Au sujet du pontificat de Benoît XVI, dont la sentence est « De Gloria Olivae », on ne peut qu'être extrêmement prudent pour éviter de tomber dans la spéculation occultiste. Tout au plus peut-on signaler quelques faits qui relanceraient l'étrange prophétie. Ainsi St Benoît de Nurcie (480-543) est le fondateur de l'Ordre des Bénédictins (Benoît s'écrit Benedicti en latin), ordre le plus ancien d'occident. L'une des congrégations des Bénédictins s'appelle les Olivétains (4). Le symbole de l'ordre des Bénédictins et des Olivétains serait la branche d'olivier, symbole universel de paix, en référence au rameau d'olivier amené par la colombe à Noé lui permettant de savoir que le niveau des eaux avait baissé.

Certes, si l'association Benedicti/Benedictins/Olivetains/« De Gloria Olivae » paraît séduisante, elle me paraît rapide. En outre, depuis Benoît Ier (575-579) , le surnom de Benoît a été porté par 15 papes avant Benoît XVI (l'avant dernier étant Benoît XV - 1914-1922 - connu pour ses efforts pour la paix). On note aussi que le blason de Benoît XVI ne comporte aucun symbole se rapprochant de l'olivier (5). Même si le nouveau pape souhaite comme Benoît XV œuvrer dans la voie du pacifisme, il semble que lui attribuer la devise « De Gloria Olivae » soit exagéré, du moins à ce jour. Peut-être dans quelques années, aurons-nous des éléments qui nous feront dire que cette attribution n'était pas exagérée mais bien prématurée ! Une telle éventualité n'aurait rien de surprenant quand on sait le rapport étroit traditionnellement entretenu entre les Bénédictins et les connaissances d'ordre ésotérique.

Tout au plus peut-on dire aujourd'hui que, selon Malachie, Benoît XVI serait l'avant dernier pape, celui de la dernière chance. Le 112° et dernier pape de la prophétie, « Pierre le Romain », qui viendrait après Benoît XVI sera-t-il un pape jeune ? Il sera intéressant d'observer alors le choix des cardinaux mais, pour l'instant, souhaitons un long pontificat à Benoît XVI.


Jean-Paul II, le futur saint

Avant de devenir Benoît XVI, successeur de Pierre, le cardinal Ratzinger a dirigé pendant 24 ans la puissante Congrégation pour la doctrine de la Foi. Or, on sait que cette Congrégation est la version moderne du Saint-Office, lui-même prolongeant la célèbre Sainte Inquisition de triste mémoire. On nous dit que la fonction fait l'homme et que le Cardinal Ratzinger (surnommé « le grand Inquisiteur » par certains de ses partisans) sera différent du Joseph Ratzinger devenu Benoît XVI ; c'est possible. On nous dit aussi que c'est l'Esprit Saint qui a choisi le pontife ; c'est toujours possible quoique sujet à discussion.

Ce qui est indéniable, par contre, c'est que les cardinaux du Sacré Collège ont considéré le Cardinal Ratzinger comme le meilleur garant de la continuité de Jean-Paul II, pape exceptionnel à plus d'un titre. D'ailleurs, comme pour se relier au défunt Jean-Paul II, Benoît XVI lors de sa première messe n'a-t-il pas repris la formule que son prédécesseur avait exprimée lors de son élection : « N'ayez pas peur ; ouvrez tout grand les portes du Christ ». On veut bien le croire...

Pour l'heure, Benoît XVI a répondu favorablement au « santo subito » des fidèles puisque il a déclaré l'ouverture du procès en béatification de Jean-Paul II seulement quarante deux jours après son décès. Rappelons que la béatification est la première étape vers la canonisation, c'est-à-dire la proclamation officielle d'un Saint. Reste aux autorités ecclésiastiques à constituer le dossier de béatification qui exige des preuves de miracles réalisés par le « bienheureux ». Nul doute que ceux-là vont surgir. Déjà, les témoignages de miracles réalisés par Jean-Paul II, de son vivant et depuis son décès, affluent. Décidemment, comme c'est souvent le cas, les éléments irrationnels se mêlent de façon étrange à des éléments plus rationnels. Pour celui qui a été l'objet du miracle, tant mieux ! Qui peut faire vraiment la part des choses ?

Parallèlement, certains croyants dénoncent cette accélération de la sanctification qui viserait, selon eux, à substituer Jean-Paul II au Christ lui-même ! Manifestement, l'Eglise catholique paraît être à un tournant de son histoire, ce qui nous replonge perplexe dans la prophétie de Malachie. L'avenir reste ouvert (6)...


© Michel De Caso

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(1) Un dossier complet sur la prophétie de St Malachie est accessible sur le web
http://www.france-pittoresque.com/mots-histoire/12.htm

(2) Concernant Saint Malachie, voici une information extraite du site suivant
http://nominis.cef.fr/contenus/saints_40.html
« Saint Malachie d'Armagh : Il est surtout connu en raison des prophéties sur les papes dont il aurait été l'auteur et qui ne sont, en fait, que la fabrication d'un faussaire qui se mit son patronyme. Le véritable Malachie est tout autre. Il est né à Armagh en Irlande vers 1094. Il entra dans la vie monastique et restaura l'abbaye de Bangor que les Vikings avaient détruite. Choisi comme évêque d'Armagh, il eût beaucoup à souffrir des seigneurs qui tentèrent de l'assassiner. Ami de saint Bernard de Clairvaux, il se rendit à Rome en 1139 pour demander au pape de lui ôter sa charge et d'aller vivre à Clairvaux. La réponse fut directe : nommé légat pontifical pour l'Irlande, il devenait ainsi chef de l'Eglise de ce pays et c'est là qu'il donna toute sa mesure en en faisant l'un des plus religieux de la chrétienté. En 1148, il reprend le chemin de Rome, tombe malade à Clairvaux. Saint Bernard lui-même l'accompagnera jusqu'à son dernier soupir.»

(3) « La prophétie de saint Malachie s'achève sur une phrase mentionnant un pape du nom de Pierre le Romain. Est-ce le même que celui dont la devise est De Gloria Oliviae ou le pape amené à lui succéder mais qui n'accèdera pas au trône ?
In persecutione extrema sacrae romanae ecclesiae sedebit Petrus romanus, qui pascet oves in multis tribulationibus ; quibus transactis, civitas septi-collis diruetor ; et judex tremendus judicabit populum suum
(Dans la dernière persécution de la sainte église romaine, le siège sera occupé par un romain nommé Pierre, qui fera paître les ouailles au milieu de grandes tribulations ; après quoi, la ville des sept collines - Rome - sera détruite, et un juge terrible jugera son peuple).»
extrait de http://www.france-pittoresque.com/mots-histoire/12b.htm

(4) Pour avoir une présentation précise de l'ordre des bénédictins, on peut visiter le site suivant
http://www.st-wandrille.com/fr/abbaye/textes/txt_osb.php
En v
oici un extrait :
« Il n’a jamais existé à proprement parler d’Ordre bénédictin au sens d’une organisation unifiée et centralisée. Néanmoins le Pape Léon XIII a institué en 1893 une Confédération bénédictine, union fraternelle des congrégations de moines qui vivaient sous la Règle de saint Benoît, sauvant l’autonomie des congrégations et des monastères. Actuellement la confédération bénédictine est composée de 21 congrégations comptant un total de 8694 moines en 1995. La confédération bénédictine est présidée par un Abbé-Primat, qui est en même temps Abbé du Collège bénédictin Saint-Anselme à Rome, ...»
(suit la description des 21 congrégations dont celle du Mont-Olivet)
« La congrégation du Mont-Olivet :
Ordre fondé en 1319, approuvé en 1344, intégré à la confédération en 1960, la congrégation olivétaine comporte 8 abbayes, dont 4 en Italie, 2 en France, 1 au Brésil et aux U.S.A.. Elle a également 7 prieurés conventuels, 3 en Italie, 2 aux USA, 1 en Grande-Bretagne, 1 en Israël ; 9 monastères, 1 au Brésil, 3 en Italie, 1 en France, au Guatemala, en Grande-Bretagne, à Hawaï et en Corée du Sud ; enfin 3 celles, dont 2 en Italie et 1 au Brésil, soit 27 implantations et 253 moines en 1995. A la congrégation du Mont-Olivet, sont incorporés ou agrégés cinq monastères de moniales olivétaines».

(5) Pour visualiser le blason en question, cliquez ici

(6) A propos des turbulences que l'Europe pourraît être amenée à connaître, signalons que Saint Benoît est le Saint Patron protecteur de l'Europe (proclamé par Paul VI en 1964) !

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