La
sculpture nous met en mouvement alors que la peinture monoface nous
immobilise; l'une nous laisse en contact avec la matière
et l'espace réels, l'autre nous renvoie davantage à
l'image et au miroir, à l'espace intérieur, me semble-t-il.
Une
sculpture qui, en général, est orientée spatialement,
peut ne pas l'être si l'artiste fait le choix de n'identifier
aucun "devant" et aucun "arrière" : dans
ce cas il appartient au "regardant" d'élire une
orientation en synthèse de l'interprétation qu'il
fera des différentes facettes de l'uvre. Sur ces aspects
de mise en mouvement et d'une synthèse toujours à
faire par l'intéressé de ces multiples visions, la
sculpture et la "Rectoversion" peuvent remplir la même
fonction.
Par
contre des différences apparaissent à l'observation
dans nos réactions de "regardant".
La
"Rectoversion" met en présence deux surfaces planes
liées dos à dos, avec ce que cela implique dans nos
structurations mentales : envers/endroit, vu/caché, conscient/
inconscient, etc...
La
sculpture, quand nous en regardons une face, celle-ci nous réfère
d'emblée à l'uvre qui ne peut se dérober
par sa matérialité même, par ailleurs nous savons
que nous ne voyons pas tout de cette oeuvre : nous l'explorerons
dans un mouvement graduel, découvrant les différentes
facettes qui ne sont pas en opposition mais en continuité.
Face
à un uvre "rectoversée", le "regardant",
tant qu'il ignore le concept de "Rectoversion", a l'impression
que tout ce qu'il y a à voir, est là, comme dans une
uvre monoface. Une fois averti, comme face à une sculpture,
il saura qu'il y a autre chose à voir. Comme dans la sculpture,
il y aura attente de ce qu'il y a à découvrir; mais
dans la sculpture il n'y aura pas de surprise réelle mais
découverte graduelle d'un même objet dans l'évidence
de sa matérialité. Face à l'uvre "rectoversée",
le "regardant" charge sa première réaction
interprétative et, invité par les percées et
la disposition spatiale du support, il se met en mouvement. Ce mouvement
ne sera pas continu mais opérera une rupture pour aboutir
à un retournement vers l'autre face : au moment du passage
il n'est plus que dans la relation physique au support, et garde
la relation à l'uvre mentalement marqué de ce
saut vers l'inconnu. Il débarquera imprégné
de sa première vision interprétative qu'il faudra
faire cohabiter avec ce qu'il découvre; il deviendra acteur
du sens qu'il donnera à l'uvre.
La
"Rectoversion" me semble, en conséquence, un véhicule
idéal pour interroger la dualité et offre à
l'artiste de multiples ouvertures pour amener le "regardant"
à s'interroger sur la mise en jeu des contraires et leur
dépassement ; la sculpture ne peut atteindre cette objectif,
la "Rectoversion" le peut parce qu'elle permet la confrontation
dialectique d'images mentales, par le fait qu'elle s'inscrit dans
l'univers de la peinture.
©
Fabrice Bianchi
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