| Je 
              voulais réagir brièvement au Manifeste de Pierre Souchaud 
              (Artension n° 21), cité dans la page rectoversée 
              n°26 ainsi que dans le cercle rectoversion.net... M. 
              Souchaud y fustige les « installations, performances, vidéos 
              et photographies plasticiennes ». Il dénonce le « 
              néo-académisme étatique » et ses intérêts 
              économiques, culturels, politiques et sociaux. Il défend 
              les artistes authentiques et marginalisés par ce système. Comme 
              tout un chacun, je constate ceci ; les nouveaux concepts plastiques 
              précités par M. Souchaud sinscrivent tous dans 
              une logique spectaculaire. Ce ne sont plus les uvres dart 
              qui utilisent lenvironnement pour sexposer, mais cest 
              lenvironnement lui-même et sa mise en scène qui 
              FONT luvre. Le spectacle est le nouveau support dexposition 
              de luvre. Il en est également et la raison et 
              la finalité. Lartiste est devenu un montreur, un démontreur, 
              un démonstrateur, un homme de spectacle.  Il 
              semble que depuis la seconde guerre mondiale, les plasticiens ont 
              définitivement voulu projeter luvre à 
              lextérieur delle-même, quils ont 
              voulu confondre la création avec la manipulation de lenvironnement 
              tout entier. Ils ont cherché en dehors delle ce quils 
              ne croyaient plus pouvoir y trouver : un nouveau point de vue, une 
              nouvelle page vierge dexpression. Cette manie du remplissage 
              centrifuge, cette fuite en avant est consécutive de lépuisement 
              de la course aux écoles, (impressionnisme, nabis, symbolisme, 
              abstractions, cubisme, surréalisme, minimalisme
etc), 
              qui ont chacune eu pour parti de proposer une vision partielle du 
              monde dans le cadre circonscrit de la peinture traditionnelle (rectos 
              accolés aux murs).  Cette 
              surenchère explosive des formes suit aujourdhui comme 
              hier la même politique : le but est de rechercher un sens 
              visuel à lextérieur de soi et en surface de 
              luvre ; de présenter, de se représenter 
              le monde et la vision quon en a de manière formelle, 
              définitive, close.  Vous 
              aurez noté que sous ce rapport, la Rectoversion à 
              linverse cherche le sens plastique à lintérieur 
              de luvre, (révélation du recto caché, 
              ou rectoversion), et que son interprétation, confrontée 
              à la contradiction manifeste mais propositionnelle des deux 
              faces percées, sinclue dans une vision suggestive, 
              ouverte, plutôt que descriptive, fermée. Personne 
              - ou presque - ne se leurrera donc sur la prétendue « 
              libération » de lart contemporain, car en abandonnant 
              la peinture sur surface généralement orthogonale, 
              ses auteurs nont fait que den projeter, transposer les 
              mêmes enjeux dans lespace tout entier. Dune libération 
              formelle, il ny a en fait quune confirmation drastique, 
              paroxystique, atomique de la loi de représentation plastique 
              qui régie lart depuis le Quattrocento : celle de limitation, 
              de la limitation de la nature. Cette 
              projection maniaque vers lextérieur, cette volonté 
              impérieuse de dominer, doccuper lespace, le champ 
              sensitif, ont pour conséquence corrélative dacculer 
              linterprétation que le spectateur se fait de luvre 
              dans un « intérieur » de plus en plus étriqué, 
              isolé, schizophrène. Il faut meubler, remplir au plus 
              vite et au plus nul. Lart contemporain a peur du vide. Et 
              lart contemporain, cest la nature, plus le néant. 
               Lart 
              contemplo-rien. Donc, cette interprétation sarticule 
              sur un mode strictement individualiste, c'est-à-dire dualiste, 
              qui repose sur deux pôles en apparence contradictoires, mais 
              indissociables en réalité, et qui se désespère 
              de résoudre, de réparer la dichotomie entre le spectateur 
              et luvre, lhomme et son expression plastique : - 
              Le pôle de la justification rationnelle et discursive, en 
              fait, de la spéculation intarissable et indéfinie. 
              Lart conceptuel et élitiste, sectaire, qui tire vers 
              le haut. - 
              Le pôle de linterpellation émotionnelle et reptilienne, 
              avec ses sempiternels pseudo débats moraux qui se gargarisent 
              de pipi-caca-zizi à sen faire vomir la panse, débats 
              auxquels même lhomme de Néendhertal, rappelons-le, 
              était totalement indifférent... ( Darwin na 
              quà bien se tenir)
 Lart consensuel et démocratique, 
              universel, qui tire vers le bas
 Mais 
              si je souhaitais intervenir ici, cétait par souci de 
              mettre en exergue ce point de vue : Ce 
              nest ni le sujet ni lobjet de lart qui sont morts 
              ; ce nest ni lartiste ou le spectateur, ni luvre 
              plastique qui se sont autodétruits ; ce qui est mort, ce 
              qui sest court-circuité, cest le lien qui les 
              unissait, et qui faisait deux non plus deux entités 
              irrémédiablement opposées et séparées, 
              mais lexpression bipolaire et indissociable dune seule 
              et même réalité. Ce 
              lien, ce troisième terme, quel est-il ? Une 
              réponse théorique serait insoutenable et obséquieuse. 
              Mais une approche historique pourrait avoir le mérite de 
              réorienter le questionnement. Ainsi, toutes les études 
              saccordent à considérer lart pariétal 
              comme relevant essentiellement dune action magique, chamanique, 
              initiatique. Il sagissait demprunter des éléments 
              spécifiques de la vie quotidienne, (ici, les animaux, la 
              chasse), et, par laction picturale, de se les approprier en 
              les transformant ; c'est-à-dire, en les libérant de 
              leurs apparences conditionnées, circonscrites. Il semble 
              que la réconciliation avec la réalité suppose 
              pour lhomme de la transformer ; dinclure dans son passif, 
              son perçu, un meta-sens actif, recréateur. Cest 
              la révélation de linvisible par le visible, 
              du vide par les formes, de lineffable par les mots, de linouï 
              par les sons, de linfini par le fini. Les formes et les hommes 
              qui les utilisent ne sont là que pour aller au-delà 
              deux-mêmes. Lart ne se justifie que par son incapacité 
              à se justifier. La raison de lart, cest son non-sens 
              fondamental ; limpossibilité de le saisir. Lart 
              nest que relation. Aussi, 
              ce qui importe, ce nest pas le sujet ou lobjet de lart 
              en soi, mais son enjeu, son intention : le besoin de transformer 
              les formes immédiates, de médiatiser linfini. 
              Peu importe que lon peigne des canards, de la merde ou des 
              christs. Peu importe toutes les idées que lon puisse 
              se faire sur lart. Limportant, cest ce qui y est 
              investi ; la part insaisissable, inexplicable qui y est véhiculée, 
              magnétisée : ce qui traverse ses sujets et son objet. 
              Le sujet de lart nest pas un objet de polémique. 
              Lobjet de lart nest pas un sujet de discussion. 
              Le seul débat quil donne à voir, à entendre 
              et à toucher, cest le silence, linfini quil 
              propose, quil suggère. Il 
              est certain que ce besoin ou cette intention sont complètement 
              absents dans lart contemporain. Chez lui, tout lespace 
              extérieur et intérieur est investi. Il ny a 
              plus de place pour quelque relation que ce soit. Plus daltérité, 
              plus de confrontation. Juste une représentation, représentation 
              qui est lapanage du spectacle. M. 
              Souchaud a raison de dénoncer le « néo-académisme 
              étatique ». Car dans leur immense sapience, les «académistes 
              contemporains» ont pensé à tout cest 
              bien dailleurs à peu près la seule chose quils 
              savent faire-, mais ils nont pas pensé une seule seconde 
              que les plasticstars daujourdhui pouvaient être 
              les Pompiers dhier ! Pourquoi ? Parce que ces stars sont des 
              PROVOCATEURS, et que les Pompiers ne létaient pas, 
              mieux, ils en étaient justement le contraire ! Encore une 
              démonstration époustouflante du dualisme fondamental 
              de notre civilisation, et de son incapacité à réconcilier 
              les contraires, à réaliser lunité de 
              la moindre chose. Si tu nas pas de dent, tu es une poule ! 
              Et comme Van Gogh était provocateur, donc lEtat et 
              lestablishment nexposent que des Van Gogh ! Délicat, 
              subtil et irrésistible subterfuge de la démocratie 
              omnisciente, omnipotente et libératrice
 Je 
              le redis : tout ce qui gigote dans les galeries, les médias 
              et les musées contemporains ne sont que des Pompiers, sauf 
              exception.  Des 
              Van Gogh, il y en a encore plein les poubelles, et ceux là, 
              on nest pas prêt de les voir. Tant 
              quil y aura des hommes, il y aura des peintres, à défaut 
              de show-men. © 
              Alexandre L'Hôpital-Navarre
 --- * 
              texte passé dans le forum rectoversion.
 |