Table ronde sur la Rectoversion
Maison de Gascogne, Auch

4


Michel De Caso : Dans quelques instants, vous pourrez nous poser des questions mais juste avant, je fais une petite remarque. Le dualisme, ce qu’on appelle le dualisme, qui est globalement la philosophie dans laquelle nous vivons, surtout depuis Descartes, le dualisme, c’est ce système, cette vision de voir les choses qui présente l’opposition entre deux données comme absolue et irréductible. La Rectoversion, vous l’avez saisi, propose autre chose mais elle ne nie pas la dualité. La dualité, ce n’est pas le dualisme. La dualité, c’est une loi de la nature, pour que quelque chose naisse, il faut le plus et le moins, cela va de soi mais c’est relatif. Quand on dit que cette dualité est absolue, ça devient un dualisme et c’est là où l’aspect bipolaire s’avère nettement insuffisant à décrire tout ce qui nous entoure qui est d’une complexité incommensurable, bien au-delà de deux données qui s’opposent. Donc, la Rectoversion ne remet pas en cause le dualité, elle propose un questionnement sur le dualisme, en dénonçant la faiblesse du dualisme mais pas la dualité, qui va de soi.

Alexandre L'Hopital-Navarre : On peut considérer que la dualité serait un constat, dans la manifestation il y a toujours les paires, le jour la nuit, etc., alors que le dualisme serait un système d’interprétation de ce constat. Il y aurait par exemple le bien et le mal, si on crée une séparation entre les deux comme dit Michel, si on les considère comme irréductibles, l’un ne peut pas vivre sans l’autre, il faut choisir entre l’un et l’autre, soit l’un exclut l’autre de son champ d’action, soit l’absorbe en lui.

Fabrice Bianchi : Si on reprend la psychanalyse, la psychologie c’est pareil, qu’il y ait des forces, pulsion de mort, pulsion de vie, qui se répondent dans l’individu et qui fasse qu’on dépasse les choses et qu’on avance grâce à la pulsion de vie, on s’aperçoit que dans les cas des névroses et des blocages psychologiques, la plupart du temps, il y a l’installation d’une dualité, d’une polarité, on va dire d’un tout ou rien, et on s’enferme soi-même dans quelque chose, historiquement, on y croit dur comme fer, on a l’impression qu’on ne peut plus dépasser ça, ce sont bien les forces qui sont en présence toutes les deux mais elles se contrebalancent sans pouvoir l’une sortir victorieuse de l’autre, et là on est coincé, d’où le lien. Moi dans les tableaux, j’utilise les deux faces pour essayer d’exprimer justement que derrière, il n’y a pas forcément le pendant qui fait le blocage, derrière ça peut être autre chose, qui a d’autres origines, etc., et là où il y a des dualismes qui se sont installés, historiquement on peut peut-être montrer que c’est plus ouvert qu’il n’y paraît, moins bloqué qu’il n’y paraît, on peut revenir en arrière aussi. Mais bien évidemment, la dualité personne ne va la nier, ça c’est clair, par contre il y a des dualités construites qu’on peut redéfaire, et qu’on prend pour des réalités dures comme fer, qu’on ne changera jamais.

Michel De Caso : Comme lorsque j’ai fait des études étymologiques sur les mots recto et verso, j’ai été saisi car recto c’est « rego, regere » qui signifie en latin diriger, c’est masculin, tandis que verso c’est « versare », qui signifie tourner, la courbe, c’est féminin, et effectivement, dans notre type de société, la pensée masculine a longtemps dirigé, ce qui change aujourd’hui, c’est pourquoi il m’a semblé nécessaire de proposer une vision de la peinture qui soit en harmonie avec notre monde d’aujourd’hui, ceci dans la différence mais sur un pied d’égalité, égalité mais non d’identité, mettre sur un pied d’égalité le féminin symbolique, pas la femme, c’est ni la femme ni l’homme, ce sont les valeurs symboliques attribuées au masculin et au féminin.

Fabrice Bianchi : Je précise qu’on fait pas de campagne électorale ici.

Michel De Caso : Ça ne risque pas ! Voilà, si vous avez quelques questions, on va essayer de vous répondre.

4