Table ronde sur la Rectoversion
Maison de Gascogne, Auch

5

Questions de l'auditoire et discussion libre


Auditrice 1 : Moi, je suis très étonnée et en même temps ça me plaît beaucoup, parce que c’est un art conceptuel et en même temps, on voit quelque chose alors que dans l’art conceptuel, on ne voit rien. Là, il y a un concept intéressant, interrogateur, il y a matière à poser des questions, mais je découvre aussi.

MDC : Cela tient au fait qu’elle est née d’un travail d’un peintre, compris comme un besogneux de la peinture, les mains dans la matière, je ne suis pas philosophe, la Rectoversion est née de la pratique d’un peintre, le concept est venu après.

Auditrice 1 : C’est la démarche inverse alors que dans l’art conceptuel qu’on voit, et où il n’y a vraiment rien.

MDC : C’est pas surprenant puisqu’ils ne sont pas peintres !

FB : Et comment montrer l’œuvre quand elle n’est qu’un concept, faire voir que le concept est l’œuvre, c’est un peu gênant, non ! Et là, je voudrais y insister car ça pourrait vous paraître un peu « intellectuel » entre guillemet mais ce qui séduit ici, dans la peinture rectoversée, c’est la possibilité qui est ouverte d’un point de vue pratique, c’est-à-dire qu’on fait beaucoup plus de choses dans les champs de profondeur, etc., par rapport à ce qu’on veut exprimer et là, c’est tout à fait concret, je veux dire, c’est vraiment là une préoccupation concrète, on fait beaucoup plus de choses. Moi j’ai des tableaux qui me sont venus beaucoup plus facilement, des tableaux que j’avais en tête depuis longtemps et qui se sont tout d’un coup recalés autrement, avec ce support-concept qui ouvre beaucoup plus de possibilités.

MDC :
Et Jean-Michel l’a bien exprimé parce qu’il n’avait pas de pratique de peinture et lui, carrément, ça l’a motivé pour faire des tableaux. C’est donc accessible.

JMLJ : En effet, j’avais jamais fait de tableaux avant. Directement, j’ai fait des tableaux rectoversés.

FB : Ça correspond bien à un besoin d’exprimer des choses.

Auditrice 1 : Un concept matériel, en fait, c’est matérialiser un concept, ce qui est très difficile puisqu’un concept c’est intellectuel, ça rend visible quelque chose d’invisible.

MDC : Ce qui est particulier, c’est que très simple et très complexe à la fois.

ALN : C’est là où la formule de Fabrice est valable, celle de support-concept, c’est-à-dire un concept qui est en même temps un support d’expression picturale, et c’est un support pictural qui est compris dans un concept qui a quand même de la profondeur.

Auditrice 1 : Donc, il y a une lecture de tous les niveaux de ceux qui regardent, alors que l’art conceptuel, l’autre art conceptuel, élimine de son champ tout ce qui …

MDC : Parce qu’il est possible que l’autre art conceptuel obéisse aux lois du dualisme, « j’ai raison, tu as tort »…

Auditrice 1 : Voilà, tandis que là, à tous le niveaux, quelqu’un peut être heureux de regarder.

ALN : Pour prendre le relais de ce que vous dites, en fait, il n’y a pas non plus dans la Rectoversion un dualisme entre ce qui justement peut être établi actuellement entre l’art conceptuel et l’art figuratif, ou une guerre, un clivage, là, il y a vraiment une réconciliation, c’est-à-dire que ce concept n’élimine pas du tout la figuration picturale, au contraire, ça lui donne une ampleur, un terrain plus riche. On pourrait très bien peindre un tableau rectoversé selon sa propre sensibilité, faire un tableau rectoversé cubique, expressionniste, etc., donc il y a vraiment une réconciliation entre la grande tendance conceptualiste et puis la tradition figurative.

FB : Support-concept aussi, dans la mesure où je pars du fait que dans nos esprits à tous, on a été énormément bercé et éduqué avec l’idée qu’il y a une polarité, une opposition, de l’envers l’endroit, etc., je dis effectivement qu’à partir du moment où on présente un tableau comme ça avec deux faces, on s’appuie, même si on le veut pas en tant que regardant, sur le fait qu’on a tous tendance à raisonner comme cela. Donc, si on propose autre chose, on va aussi faire évoluer la pensée, la nôtre d’abord et celle du regardant ensuite. On pourrait se saisir des deux faces pour exprimer une dualité, pourquoi pas, on pourrait mettre des oppositions, l’enfer et le paradis, tout ce qu’on veut, mais le fait qu’il y ait une percée, c’est comme en négociation, ça crée un champ commun. C’est-à-dire que vous voudriez mettre en opposition les deux faces, avec les percées, vous ne pouvez pas y arriver, puisque effectivement il y a quelque chose qui appartient aux deux faces, c’est la percée. Donc la percée est en effet ce qui réconcilie.

MDC : Tout en étant insaisissable.

FB : Oui, insaisissable et ce qui réconcilie, ce qui échappe à la dualité, pour vouloir essayer de créer autre chose. On peut aussi ne pas mettre l’envers de l’autre côté mais proposer autre chose. Alors bien sûr, le regardant est surpris, puisqu’il s’attend de l’autre côté à trouver quelque chose qui soit un complément, une opposition, etc., on peut s’amuser aussi à le dérouter tout en nous déroutant nous-même, en mettant autre chose. Là, j’ai pas donné le titre tu tableau mais c’est en fait « réel, imaginaire et symbolique », c’est les trois niveaux de ce côté, et de l’autre côté, c’est inversé, c’est le « réel, imaginaire et symbolique » mais pas sur les mêmes tranches, il n’y a que l’imaginaire qui ne bouge pas parce que l’imaginaire est partout, je l’ai laissé sur la tranche du milieu.


5